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autrichienne, propagande du clergé catholique scutarin et des clergés orthodoxes grec, serbe, bulgare, missions des sociétés bibliques américaines, menées des prétendans, propagande roumaine, bandes de diverses nationalités sur les confins de la Macédoine : telle était la confusion où s’agitait l’Albanie au moment où le Comité U. et P. fit éclater la révolution.

Un sentiment commun unissait les Albanais et les Jeunes-Turcs : l’horreur des « réformes, » dirigées par un état-major d’officiers et d’agens européens. On sait aujourd’hui que ce fut l’entrevue de Revel, où le Tsar et le roi d’Angleterre s’entendirent sur un projet de réformes nouvelles à introduire en Macédoine, qui décida le Comité de Salonique à une action immédiate. Une grande réunion d’Albanais en armes fut tenue le 25 juillet à Ferizovich, à l’instigation de Chemsi Pacha, commandant de la division de Mitrovitza, homme de confiance du Sultan ; mais les délégués du Comité réussirent si bien à retourner les esprits que la réunion devint une manifestation en faveur de la Constitution et envoya au Sultan la dépêche qui contribua beaucoup à sa capitulation. Quelques jours après, Chemsi Pacha, condamné par le Comité, était assassiné à Monastir. Un seul bey albanais, Issa Boletine, qui avait été comblé de bienfaits par Abd-ul-Hamid et qui en recevait une pension mensuelle de 50 livres, essaya de protester ; on couvrit sa voix et plus tard, comme nous le verrons, les Jeunes-Turcs lui firent payer cher son attitude.

La Constitution, les montagnards albanais ne savaient guère ce que c’était ! Mais les officiers jeunes-turcs échauffèrent leur patriotisme, surexcitèrent leurs passions xénophobes ; ils leur représentèrent la Constitution comme le seul moyen d’empêcher l’exécution du programme de Revel et de mettre fin à l’immixtion de l’Europe dans les affaires de l’Empire ottoman ; la Constitution, ce serait le retour à la loi du Chériat, le respect assuré des coutumes nationales, la libre ouverture d’écoles albanaises ! Plus tard, les Albanais s’aperçurent qu’on les avait leurrés de promesses fallacieuses et que la Révolution avait un caractère turc nationaliste et centralisateur ; aussi, en général, accueillirent-ils avec faveur le mouvement contre-révolutionnaire du 13 avril 1909. Mais, dans les premières semaines, l’enthousiasme fut général : Constitution et attachement aux coutumes, à la langue et aux privilèges albanais ne faisaient qu’un dans l’esprit