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Le premier groupement était donc local, et c’est donc la première condition de la formation d’une classe : du moins, ç’a été, historiquement, la première circonstance de la formation de la classe marchande ou bourgeoise. Un second groupement se fit ensuite par profession, d’abord de quartier à quartier, et puis de métier à métier, la confrérie de métier et la confrérie de quartier étant organisées l’une comme l’autre, l’une et l’autre ayant son fonds commun et ses représentans, la confrérie de métier poursuivant seulement « un but plus immédiat de richesse et de bien-être, s’efforçant surtout de s’assurer un monopole au regard des tiers, » et, par-là même, devenant rapidement très forte. « Au début, les artisans d’une même familia s’étaient groupés, quel que fût leur métier. Puis les artisans d’un même métier s’étaient groupés, quelle que fût leur famille. Plus tard, quand une branche de commerce se développa, elle irradia autour d’elle et finit par absorber les marchands et les artisans qui s’y rattachaient, quel que fût le quartier de la ville qu’ils habitassent, ou même par englober d’autres genres de négoce ou d’industrie. » De familia à familia, de métier à métier, pour former le quartier ; de quartier à quartier, pour former la ville, et de ville à ville, pour former la profession ; tantôt le quartier, et tantôt le métier, « la corporation la plus vivace d’une ville » fut comme la cellule organique autour de laquelle les groupes secondaires se sont agglutinés ; » tantôt le lien corporatif s’élargit, et tantôt il se resserre ; mais toujours l’élément prépondérant, quartier ou métier, « fait l’office d’un ferment ; tout autour de lui et sous son impulsion, la masse s’agite et se lève[1]. » En somme, deux élémens : l’un local, l’autre professionnel ; du rapprochement naît la conscience des intérêts communs : ce n’est pas encore la conscience de classe, mais c’en est le germe ou l’amorce.

Ces deux élémens, nous les retrouverons jusque dans les phénomènes les plus récens, jusque dans la formation de la classe ouvrière moderne, jusque dans la composition de la Confédération générale du Travail, où se rejoignent sans se confondre le groupement local, les Bourses du travail, et le groupement professionnel, les Unions ou Fédérations de syndicats. Mais, pour ce qui est du passé, la concentration du métier en un

  1. Jacques Flach, ouvr. cité, p. 378-380, 387.