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préfèrerait la mort « à la perte de son état, aux douceurs d’une solitude d’autant plus à désirer que, par un effet de la grâce, par une protection spéciale de la mère de Celui qui gouverne les empires, des quarante personnes qui forment la maison, il n’y en a pas une qui ait une volonté à soi. Toutes s’accordent tellement que c’est le même esprit, un même cœur qui les anime, les dirige et toujours au but de leur institution. »

Encore quelques témoignages qui s’imposent pour montrer qu’un sentiment général fait parler ici les religieuses. Aussi bien regretterions-nous de ne point entendre les hospitalières de Carhaix nous dire : « Nous chérissons nos chaînes et elles sont indissolubles ; » les hospitalières d’Harcourt s’écrier : « Nous portons toutes te fardeau avec joie ; et un des premiers désirs de notre cœur est de rester dans l’état où Dieu nous a appelées. Le changement dans notre état serait pour nous une révolution mortelle et à laquelle nous préférerions le tombeau ; » — les Augustines de Toulouse affirmer avec force : « Nous baisons nos chaînes, nous les chérissons, et ne les changerions pas contre toutes les couronnes de l’univers ; » — les Capucines de Paris attester avec non moins d’énergie : « Les liens qui nous attachent à de saints devoirs nous enchaînent au bonheur. La seule idée de voir ces liens rompus ou même relâchés est pour nous désespérante. Nous ne croirons jamais que vous, Nosseigneurs, qui êtes chargés de procurer la félicité de tous les citoyens, vous ne nous réserviez à nous que l’infortune. Et quelle infortune ! La mort nous serait moins cruelle ; » et enfin cette fière déclaration des Annonciades de Rodez : « Les regrets et les remords ne suivent que les liens tissés par la crainte. Mais nous, libres dans notre choix, nous n’avons obéi qu’à l’impulsion de notre conscience. La main qui nous a guidées vers le cloître a su verser pour nous sur ce séjour la consolation et la paix. Ce que nous avons fait, nous le ferions encore. Nos vœux librement prononcés ont eu Dieu pour objet et, la loi pour garant. Le Ciel les a reçus, la terre les a justifiés : voilà nos titres, voilà les chaînes sacrées qui nous lient. Vous ne les briserez pas, Nosseigneurs, pour nous rendre la liberté, vous ne voudrez pas nous ôter celle d’en faire le sacrifice. »

Les paroles qu’on vient d’entendre expriment les sentimens de la presque-unanimité des religieuses. Nous devons cependant faire mention des exceptions très rares qu’ont enregistrées les