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zèle et qui fait l’unique bonheur de nos jours. » Des femmes moins exclusivement livrées à la contemplation que les Carmélites, plus mêlées à l’éducation et aux œuvres, sauront trouver, elles aussi, les plus beaux accens. Les Ursulines de Nantes protestent devant « Dieu qu’elles préféreraient la mort à la violence qui les arracherait à leur chère solitude, et que leur esclavage prétendu leur est infiniment plus cher que la liberté qu’on leur offre dans le monde. » Entendons les Ursulines de Quimper. « Non seulement, disent-elles, il n’en est aucune qui éprouve du regret de son état et en regarde les engagemens comme une servitude ; mais toutes préféreraient la mort à la nécessité qu’on leur imposerait de rentrer dans le monde. Elles ne connaissent d’autre bonheur sur la terre que la paix du cœur, l’innocence de la vie, les agrémens d’une société douce, la nécessité et les moyens de se rendre utiles. Elles trouvent tout cela dans leur retraite et elles s’en contentent. Ainsi, la seule liberté qu’elles désirent est de vivre et mourir dans un état qu’elles ont embrassé sous la protection des lois, d’y continuer leurs soins à la jeunesse, et d’y perpétuer l’œuvre importante de l’éducation, en perpétuant leur communauté. Voilà toute la récompense qu’elles attendent en ce monde de leurs travaux et qu’elles osent se promettre de la justice de l’Assemblée nationale. » En entendant ces déclarations, comment n’être pas touchés de si beaux sentimens, d’ambitions si nobles et si simples ? Aura-t-on le courage de troubler dans leur vie heureuse et sainte ces douces créatures qui mettent leur bonheur à élever l’enfance, à servir Dieu et à s’aimer les unes les autres ?

Un ordre qui, comme les Ursulines, tenait un très grand nombre de maisons d’éducation en France, les religieuses de Notre-Dame, nous apporte avec la même énergie les mêmes déclarations. « Nous craindrions moins la mort que notre destruction, » disent celles de Buyeux. Et le langage des cinquante-huit religieuses de Notre-Dame de Limoges : « Notre institut est laborieux, mais nous l’aimons : il fait notre bonheur ; nous sacrifierions notre vie plutôt que d’y renoncer. Nous prenons le ciel et la terre à témoin que c’est l’expression des sentimens de nous toutes, oui, absolument toutes. Nous le signerions de notre sang, s’il le fallait. » Le couvent des religieuses de Notre-Dame de Nancy, l’un des plus anciens de l’Ordre, ne veut le céder à aucun autre. Là aussi, chacune proteste qu’elle