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isolé, continuellement surveillées par deux religieuses, elles n’ont aucune communication avec les autres habitans de la maison, pas même à l’église. Leur état, leur condition, sont le plus souvent ignorés de leurs propres compagnes. Un nom supposé voile leurs écarts et assure leur secret ; et nombre de familles, aussi distinguées par la naissance qu’illustrées par des services rendus à l’État, ont dû souvent à la sagesse de ces précautions la conservation de leur honneur, la réputation de leurs filles et la jouissance d’un nom sans reproche.


Quelle dextérité de main devait apporter dans sa mission délicate la supérieure qui l’expose en termes si heureux et avec une observation si pénétrante !

L’austérité de vie des Dames du Refuge de Rouen était déjà un grand exemple qui devait faire impression sur leurs pénitentes. Les officiers municipaux signalent dans leurs procès-verbaux des chaises en paille, des tabourets en bois et des cellules « au lit infiniment médiocre. » Nous trouvons ces maisons dans plusieurs villes. De nos jours on s’occupe avec une louable sollicitude de rendre la santé du corps aux victimes de la débauche. Aux âges de foi, comme au XVIIe siècle, date de ces fondations qui subsistèrent jusqu’à la Révolution, on pensait aussi à l’âme. On s’occupait de refaire les consciences en même temps que le sang. Les dames du monde de la plus haute naissance aimaient à venir dans ces couvens aider les religieuses à purifier les cœurs souillés. Détail touchant : il n’était pas rare de voir des pécheresses régénérées par le repentir prononcer des vœux, et se faire religieuses dans la maison où elles avaient reconquis le pardon de Dieu et l’estime des hommes.

Ce qui devait, semble-t-il, achever d’assurer aux Hospitalières la bienveillance de la Constituante, c’est que bien souvent elles ajoutaient le bienfait de l’instruction à l’exercice de la charité. On sait comment les Filles de Saint-Vincent-de-Paul, instituées surtout pour les pauvres, furent amenées à tenir des écoles. La Congrégation de Saint-Charles de Nancy avait fait de même. « Les Sœurs, dit en propres termes leur rapport, ont aussi des écoles chrétiennes et gratuites pour les jeunes filles pauvres des lieux où elles sont établies. » Dans les petites villes, dans les campagnes, combien de communautés modestes où d’humbles sœurs remplissaient avec un zèle admirable cette double mission dont l’intérêt est éternel pour tous pays : instruire la jeunesse et secourir la misère !