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Chaque communauté de religieuses plaide sa cause à sa manière. Celles qui n’ont pas le service de l’enseignement, ni celui de la charité à faire valoir trouvent, au besoin, dans leur histoire, des titres à la reconnaissance publique qui parlent on leur faveur. Les Bernardines de Saint-Antoine-des-Champs les Paris connaissent leurs annales. Elles exposent que c’est à leur maison « que le faubourg Saint-Antoine doit son existence, que c’est sur ses terres qu’il s’est érigé, que c’est sous sa sauvegarde qu’il s’est si prodigieusement peuplé en artistes de tous genres, à la faveur d’une franchise dont elle avait la propriété et dont elle leur a laissé très gratuitement l’exercice, franchise que l’abbaye a défendue tant de fois à ses frais contre les attaques multipliées des communautés et maîtrises de Paris. » Par ce moyen, et par des « aumônes journalières, » notre maison est parvenue à soutenir « un nombre infini de familles et à les sauver des horreurs de l’indigence. » Les Sœurs ne peuvent dissimuler, disent-elles, « l’attachement extrême qu’elles ont pour ces pauvres habitans, et qui est tel que, quelle que puisse être leur existence future, si les religieuses restent parmi ces infortunés, elles sauront encore leur tendre une main secourable. » Il est douteux que le faubourg Saint-Antoine sache de nos jours, et ait su en 1789, ce que le quartier et son industrie doivent à un couvent de Bernardines.

L’abbaye du Paraclet, illustrée par Héloïse et Abélard, tenta de se sauver en se plaçant sous leur patronage. Le monastère avait été bâti sur le territoire de Quincey près de Nogent-sur-Marne. Au moment de la Révolution, la vingt-neuvième abbesse depuis le moyen âge était Marie-Charlotte de Roucy, de la famille de La Rochefoucauld, d’après une tradition deux fois séculaire. Le voyageur anglais Cranfurd, visitant le Paraclet en 1787, fut frappé, en entrant dans le parloir de l’abbesse, d’y voir plusieurs portraits gravés d’Abélard et d’Héloïse. En cette fin du XVIIIe siècle, mieux valait pour se concilier une protection temporelle, de tels tableaux que les images saintes répandues dans les couvens. Héloïse et Abélard : ces deux noms touchèrent le district et le département, que l’invocation de sainte Thérèse et de sainte, Chantal eût laissés froids. L’abbesse, pour sauver sa maison, avait songé à l’offrir comme refuge pour les passans malades. Le procureur syndic crut mieux faire. « Héloïse et Abélard, dit-il à l’Assemblée administrative, reposent dans votre