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commune, ont dû se grouper par vingt dans une promiscuité déplaisante qui leur rend la persévérance difficile. Les religieuses sont encore presque toutes dans leur cloître, éplorées sans doute, effrayées de l’avenir, éprouvées par de rares défections, troublées dans leurs habitudes et l’observation de leurs règles, tracassées sur leur costume, sur le serment, affamées par la suppression de leurs ressources, mais toujours résolues et fidèles. La loi, moins impitoyable pour elles que pour les religieux, n’avait pas exigé leur transplantation dans d’autres maisons. Enfin, la Constituante avait déclaré ne vouloir rien changer pour le moment à l’égard des ordres voués à l’instruction publique et à la charité.


VI

La Législative va achever l’œuvre de destruction de la Constituante. Quand la royauté allait être abolie et le clergé proscrit, comment aurait-on épargné les débris de l’ordre monastique ? Nous avons déjà vu les rapports des autorités avec les religieuses s’aigrir de tout l’attachement de ces dernières aux prêtres réfractaires, de leur opposition aux constitutionnels. La situation ira empirant très rapidement avec le cours des événemens et les incidens de chaque jour. La Législative vient, le 15 août 1792, de décréter un nouveau serment, le serment de liberté et d’égalité, et en a fait une condition absolue du paiement de la pension. Les religieuses étaient sur un terrain solide en refusant le serment à la Constitution civile du clergé condamné par l’autorité légitime. Malheureusement, beaucoup d’entre elles se croiront obligées de rejeter aussi le serment d’égalité et de liberté. L’élan vers la résistance était donné. Déjà tant de décrets portés coup sur coup avaient à ce point désorienté, martyrisé ces pauvres Sœurs, les plaçant chaque jour en face d’une nouvelle ruine et d’une nouvelle exigence, qu’une défiance naturelle entretenue par tant de blessures devait les mettre en garde contre les mesures de la Révolution. Le débat soulevé autour du serment d’égalité et de liberté divisera les hommes, les théologiens les plus graves. Il faudra tout le calme, tout le coup d’œil d’un abbé Emery, d’un abbé Bausset, pour distinguer nettement la religion de la politique, et affirmer hautement qu’on pouvait le prêter sans manquer ni à Dieu, ni à soi-même. Comment des femmes