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une charte de 1160, Louis VII concéder, — on pourrait dire donner en fief, — à Thèce Lacohe les métiers de tanneurs, baudroyeurs, sueurs, mégissiers et boursiers[1] ; exemple célèbre et tant de fois cité qu’il en est devenu comme classique.


III

Je sais que cette explication est contestée et que l’origine des corporations de métiers demeure incertaine. L’hypothèse ne vaut que pour une hypothèse ; mais c’est pourtant la seule qui, dans le fait, puisse concilier ensemble les prétentions du droit régalien et celles du droit féodal, qu’il faut bien concilier, puisque le droit du seigneur, en matière de travail, très avant dans l’histoire de la monarchie décidément victorieuse, jusqu’au XVIe siècle, jusqu’au XVIIIe siècle, presque jusqu’à la fin, fait et continuera de faire limite au droit du Roi ; que ce droit du seigneur soit d’ailleurs exercé par des personnes ou par des collectivités, comme les villes[2]. Au surplus, de droit royal plein ou de droit mixte, à demi féodal, à demi royal, et royal ensuite parce que d’abord féodal, le point qui nous intéresse dans les relations de la corporation avec l’Etat, n’est-ce pas de connaître ces relations elles-mêmes, leur nature, leur allure, leur tournure, et si elles furent bonnes ou mauvaises, faciles ou tendues ? Disons tout de suite que, là aussi, c’est une question de mesure et une question de date ; qu’elles furent tantôt bonnes, et tantôt mauvaises, tantôt faciles et tantôt tendues ; bonnes dans leur ensemble, ou plutôt bonnes en général, mais avec des momens critiques, de vraies crises ; et qu’en tout cas il n’apparaît point qu’il y ait entre le régime corporatif et le régime monarchique une affinité si intime que celui-ci serait comme le lieu ou le milieu nécessaire de celui-là. Une certaine école professe que le problème social serait résolu si le régime corporatif était rétabli, mais que cette restitution ne se peut faire que si l’on rétablit au préalable le régime monarchique, qui en serait la condition, et comme le support ou l’armature. Cette double restauration opérée, on aurait reconstitué l’ordre intégral. C’est aller plus loin que n’autorisent à aller les faits interprétés sans parti pris, non sollicités vers une conclusion à l’avance préférée. Rien d’essentiel

  1. G. Fagniez, ouvr. cité, p. 4.
  2. Cf. Levasseur, Luchaire, Hauser, Et. Martin Saint-Léon, Germain Martin.