désappointement qu’ils ont éprouvé en voyant la taille exiguë de leur champion : « Ah ! dit le jeune orateur en souriant, c’est que, dans le Sud de la Principauté, vous prenez la mesure d’un homme du menton aux pieds ; nous, dans le Nord, nous le mesurons du menton au sommet de la tête. » Et, tout grossier qu’il soit, l’auditoire, rappelé au respect que la force physique doit à la force de l’intelligence, applaudit à la leçon qu’il vient de recevoir.
Un autre jour, M. Lloyd George s’écrie : « Oui, je veux le Home rule pour l’Irlande, le Home rule pour le pays de Galles, le Home rule pour l’Ecosse, le Home rule pour l’Angleterre… — Et le Home rule pour l’Enfer ! » crie une voix avinée. Et M. Lloyd George riposte : « A la bonne heure ! J’aime à entendre chacun parler pour son pays ! »
En 1892, M. Lloyd George était renvoyé au parlement par une majorité plus forte qu’à sa première élection (196 voix au lieu de 18). A Westminster, il vit passer le pouvoir des mains de lord Salisbury dans celles de M. Gladstone. Sur les 34 membres que la principauté envoyait au parlement, 31 s’étaient engagés à réclamer du nouveau gouvernement un bill qui consacrât l’émancipation religieuse du pays de Galles. Ce bill, Gladstone l’avait promis, mais, comme il tardait à tenir sa promesse, les extrémistes du petit groupe nationaliste gallois se mirent en révolte, ayant à leur tête le jeune député des bourgs de Carnarvon. Ils étaient quatre seulement ; tous les autres étaient retenus par le respect superstitieux qu’inspirait l’illustre vieillard. Mais lorsque lord Rosebery prit la place de Gladstone, l’esprit d’opposition s’accentua parmi eux ; d’autant plus qu’ils sentaient s’agiter derrière eux les masses populaires, enflammées par les harangues de M. Lloyd George. Un journaliste, qui l’interviewa à ce moment, obtint de lui une réponse très nette. Le programme nationaliste avait quatre articles et le Parnell du pays de Galles indiqua dans quel ordre il comptait les produire devant le parlement et devant le pays. D’abord, c’était la démolition de l’Eglise anglicane ; en second lieu, venait la réforme de la propriété foncière ; puis, la bataille contre l’intempérance, c’est-à-dire contre les débitans de boissons ; et, enfin, l’autonomie. Ainsi le home rule irlandais, qui pendant dix ans a paralysé la vie politique en Angleterre et amené l’annihilation du parti libéral, enfantait une autre utopie, le home rule