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gallois, et M. Lloyd George était l’apôtre de cette cause dangereuse. Lord Rosebery, dont la faible majorité était minée par les intrigues du dedans encore plus qu’elle n’était menacée par les assauts du dehors, fut obligé de composer avec les revendications galloises. Un bill pour le desétablissement de l’Église anglicane dans la principauté fut présenté par M. Asquith, alors ministre de l’Intérieur. J’ai déjà fait remarquer que M. Lloyd George n’est pas de ceux qui acceptent un progrès partiel ou provisoire. Il combattit avec acharnement la loi qu’il avait si impérieusement réclamée, sous prétexte qu’elle contenait des dispositions trop favorables à l’Eglise officielle du pays de Galles, et cette Église, que ses partisans eux-mêmes se résignaient à voir disparaître, dut à l’obstination de M. Lloyd George et de ses amis un nouveau bail d’existence, qui dure encore. Et il faut joindre cette attitude du groupe gallois aux causes diverses, mais également déplorables, qui amenèrent la chute du Cabinet libéral et la retraite de lord Rosebery. La chute d’un Cabinet, la retraite d’un homme politique, c’est là, semble-t-il, un médiocre incident dont les détails sont promptement oubliés ; mais celui-là pourrait bien faire figure comme un grand événement devant l’histoire, car c’est de là, sans doute, qu’elle datera la fin du libéralisme anglais.


III

En rentrant à Westminster après les élections de 1895, M. Lloyd George comprit que les temps étaient changés. En présence d’une majorité conservatrice, le nationalisme gallois n’avait plus à espérer de se faire prendre au sérieux. En même temps, le centre de gravité de l’ancien parti libéral se déplaçait, avec sir William Harcourt, vers un radicalisme plus ou moins opportuniste, qui avait les sympathies du député de Carnarvon. Seulement, pour réussir à la Chambre des communes, il fallait acquérir les talens du debater et garder pour les meetings populaires les grands mots et les périodes sonores. La grande rhétorique est sortie du parlement avec Gladstone ; elle n’y rentrera qu’aux heures de fièvre, d’émotion publique. Ce qu’on veut, c’est une discussion d’affaires, assaisonnée d’un peu d’humour. On ne pleure plus au parlement, comme au temps de Burke et de Fox, mais on y rit très volontiers. M. Lloyd