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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/105

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de l’histoire ramenait au pouvoir un parlement puritain, comme l’Angleterre n’en avait point vu depuis le jour où les colonels de Cromwell avaient mis dehors, sans cérémonie, les membres du parlement Barebones. Non seulement M. Lloyd George était l’incarnation des puritains modernes, mais il leur servait de trait d’union avec les partisans les plus avancés de la revendication ouvrière. Sans s’être jamais, que je sache, déclaré socialiste, il ne prononçait jamais une harangue sans y jeter quelque parole qui caressait les passions de la foule et l’inapaisable rancune du prolétaire contre ceux qui possèdent. Tandis que le parti du travail était plein de défiance envers les libéraux impérialistes, qu’il considérait comme des aristocrates, plus ou moins déguisés, il était entièrement sympathique à M. Lloyd George, et je ne crois pas exagérer en disant que, lorsqu’il rentra au parlement après les dernières élections générales, il pouvait compter derrière lui près de deux cents députés disposés à recevoir son inspiration. Donc, impossible de se passer de lui dans le Cabinet. Mais, à défaut d’un ministère du pays de Galles créé en sa faveur, ses amis eux-mêmes se seraient contentés pour lui d’une haute sinécure comme cette chancellerie du duché de Lancastre dont on avait jadis affublé John Bright : « Lloyd George, disait-on, n’est pas un homme d’affaires ! » Voilà ce qu’on répétait dans les couloirs. Mais M. Lloyd George ne l’entendait pas ainsi. Il se croyait bon à tout et était prêt à justifier par d’incroyables efforts la bonne opinion qu’il avait de lui-même. Campbell Bannerman lui donna le portefeuille du Commerce. Comme il avait acquis les talens du debater, lorsqu’il les avait jugés indispensables à son succès, il s’improvisa ministre d’affaires en prenant possession de la présidence du Board of Tradee Sa méthode de travail fut précisément celle de Gambetta qui préférait le document qui parle au document écrit et étudiait toutes les questions en causant. Mais, tandis que Gambetta se contentait, dans chaque ordre d’idées, d’un informateur spécial dont il risquait fort de s’assimiler les erreurs ou les partis pris, M. Lloyd George ne se lassait point d’interroger toutes les compétences sur un sujet donné. Plusieurs lois sortirent, pendant l’année 1906, de ce travail assidu. En quoi a consisté l’œuvre de M. Lloyd George pendant les dix-huit mois qu’il a passés à la présidence du Conseil de Commerce ? Je ne puis énumérer ses travaux législatifs en quelques lignes. Pour