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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/113

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milles à la ronde, point de ville ou de village ; aucune station de chemin de fer, point de mine, point d’usine.

« Des spéculateurs viennent trouver le propriétaire de ce lieu et lui disent : « Nous croyons qu’il y a du charbon ici. Permettez-nous de creuser. — Creusez, répond le propriétaire ; je ne vous demanderai qu’une légère indemnité. — Combien voulez-vous pour la surface ? — Presque rien. Le terrain me rapporte quinze shillings l’acre : vous me donnerez quatre livres. — Mais il faut que nous construisions des maisons pour nos hommes. Nous prétendons bâtir un village modèle. — Excellent ! J’aime beaucoup ce village modèle. Aussi ne vous demanderai-je que dix livres par acre ! » (La foule : C’est une honte, une indignité ! ) Mais non. Je pourrais vous citer des propriétaires qui veulent, en pareil cas, cinquante, soixante ou même cent fois la valeur primitive. Celui-ci ne demandait que dix-huit fois la valeur de son terrain. C’était le plus doux, le plus modéré des propriétaires (On rit.) Donc, le village se bâtit. — Ah ! dit ce bon propriétaire, j’oubliais l’étang ! Il me rapportait une livre par an et ne vaudra plus rien quand vos maisons seront bâties. Tenez, prenez-le. Je vous en fais cadeau… pour une bagatelle : vingt livres de loyer par an. Quand vous aurez trouvé du charbon, — voyez si je suis accommodant ? — je me contenterai de six pence par tonne amenée à la surface : une misère ! » Or cette misère lui rapporte aujourd’hui 20 000 livres et la somme montera dans quelques années à 40 000.

« Plus on descend dans la terre, plus les frais augmentent. La société minière qui a dépensé un demi-million de livres pour le premier établissement, alors que le propriétaire n’a pas fourni un penny, voit ses bénéfices décroître pendant que ceux du propriétaire croissent en proportion. Cependant ils viennent encore le trouver : « — Nous avons besoin de terrain pour bâtir de nouveaux cottages. — Qu’à cela ne tienne ! Vous les aurez cette fois pour 100 livres l’acre, mais à une condition : on ne bâtira pas de cabaret. » — Eh bien ! personne n’applaudit à la belle action de ce propriétaire modèle d’un village modèle ? Il n’y a donc pas ici de partisans de la tempérance ? (Quelques bravos se font entendre.) Oh ! pardon, j’oubliais la fin de la phrase : — On ne bâtira pas de cabaret… sans le consentement du propriétaire. — À la bonne heure ! Voilà un homme qui tient à ses principes. Vous sentez que, pour les lui faire abandonner, il faudra y mettre le prix. » (Rires et applaudissemens.)