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Ensuite, M. Lloyd George explique comment son budget reprendra à cet homme quelques bribes de l’argent ainsi accumulé : un penny par-ci, un demi-penny par-là ; et, « quand il passera dans une autre sphère, ce même budget saisira ses héritiers au collet et leur fera rendre gorge. »

Quelqu’un devant qui je louais ce morceau et qui l’avait vu éclore sur les lèvres de l’orateur, me répondit par la phrase d’Eschine, lisant à ses élèves le discours de Démosthène sur la Couronne : « Que serait-ce si vous aviez entendu le monstre lui-même ! »


Tel est l’homme qui vient de se poser comme l’incarnation de la démocratie anglaise. Au moment où j’écris ces lignes (1er décembre), on m’apporte les journaux du matin. J’y lis que la Chambre des lords a refusé, hier au soir, par 350 voix contre 75, d’enregistrer le budget de M. Lloyd George. Expliquer ou critiquer ce vote n’appartient pas à mon sujet. J’avais à esquisser la physionomie d’un orateur et d’un homme d’Etat, non à discuter un problème constitutionnel. Les deux partis s’accusent l’un l’autre de violer la Constitution ; il est possible qu’ils aient raison tous les deux et, par conséquent, tous les deux tort. Au lieu d’avoir à choisir entre le socialisme et la réforme douanière, l’électeur devra-t-il se prononcer entre la Chambre des nobles et la Chambre du peuple ? Quoi qu’il en soit, les pages qui précèdent aideront peut-être ceux qui s’intéressent au spectacle politique, à suivre l’action et à interpréter les gestes d’un des protagonistes du drame.


AUGUSTIN FILON.