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l’improviste, elle disparut au nez et à la barbe des deux agens chargés de la surveiller. On crut d’abord qu’elle se cachait à Paris ou à Andilly chez un Anglais, lord Kinnaird, connu pour ses opinions orléanistes. On se mit à sa recherche ; mais en vain. On ne savait ce qu’elle était devenue lorsqu’à la mi-janvier 1816, on apprit son arrivée à Bruxelles. Quelques jours plus tard, on était informé qu’un ancien aide de camp du duc de Rovigo, le lieutenant Haudique-Duquesnoy Morisel, amant de la belle depuis 1814, était allé la rejoindre.

Un triste personnage ce Morisel, véritable type d’aventurier, intrigant, bourreau d’argent, homme déplaisir, cynique et sans préjugés. C’est ainsi du moins qu’on nous le présente et il n’apparaît nulle part que ces qualifications soient imméritées. Malgré tout, à Bruxelles, la situation équivoque du faux ménage n’empêche pas Mme Hamelin d’être reçue dans d’honorables sociétés et même chez le gouverneur. Le comte de Caux, représentant du gouvernement français, est obligé d’en convenir. Plusieurs réfugiés et non des moindres, les rédacteurs du Nain Jaune, sont les familiers de sa maison. Néanmoins, de vagues soupçons planent sur elle. L’observateur s’en fait l’écho.

« Mme Hamelin, dont l’existence ainsi que celle de Morisel, est un problème, avait loué une maison toute montée pour huit mille francs ; ils avaient un train analogue à ce loyer. Morisel a perdu dernièrement vingt mille francs au jeu au Club ; on ne connaît point de fortune ni à l’un, ni à l’autre. Cela fait naître beaucoup de soupçons. Les uns disent que Mme Hamelin est entièrement à la disposition de la police, d’autres qu’elle est payée par le Duc d’Orléans. Elle en parlait à chaque instant, et annonçait comme très prochain son avènement au trône, voulu par l’Angleterre ; mais, depuis qu’elle a appris que le Duc d’Orléans avait accepté le don que Sa Majesté lui a fait de la terre de Neuilly, elle fulmine contre ce prince. Elle est toujours très liée avec lord Kinnaird, orléaniste. Des gens de bon sens pensent que ces deux individus se trompent mutuellement. Morisel fait de fréquens voyages à Anvers ; on n’en connaît point le motif.

« Mme Hamelin paraît encore liée avec une dame Wallis, sœur de Wilson, impliqué dans l’affaire de l’évasion de Lavalette ; cette dame reçoit beaucoup de monde, et est d’une exagération extrême. Elle porte en sautoir un double napoléon en or ; elle montre sans cesse une violette qu’elle conserve et qu’elle dit