Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/231

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Il n’a pas rougi d’en convenir, etc. »

Et ici, ce n’est plus, comme tout à l’heure, quelque héros de Daudet qui s’évêque. Ce professeur qui médite avec tant de sérieux affecté et d’érudition avisée sur la parole du brave maréchal, apologiste de la bretelle, nous le connaissons tous : c’est le professeur Bergeret, aux beaux jours de l’Orme du Mail.

Ainsi, M. Jules Simon, parcourant sa vie si diverse, nous fait revivre tous les auteurs où le rire sait se faire discret. Disons le mot : M. Jules Simon pince sans rire. — mais personne plus que lui-même.

Le chroniqueur était par cela même un portraicturiste admirable sa touche est très légère. Qu’il parle de Gounod, d’Ambroise Thomas, de Pasteur, de Taine, ou qu’avec Thiers, Gambetta, Grévy, Mac Mahon, les Carnot, Jules Kerry, Ernest Picard, il nous transporte dans la politique d’hier, il est perspicace sans cruauté, impartial sans froideur et, en thèse générale, si oublieux des injures que c’est miracle. Tout d’abord, il ne croit pas le monde si noir. « Il faut, a-t-il écrit, découvrir le bien avec joie et chercher au mal des atténuations possibles. » Admirons cette maxime : tout de même, l’historien qui s’y conformerait risquerait un peu d’écrire un conte de fées et, n’ayant pas nécessairement pour relever ses plats la malice d’un Jules Simon, nous ferait un ragoût un peu fade. À ces portraits, on reconnaît que, comme le disait Vaulabelle, Jules Simon « ne savait pas haïr. »

Ses opinions, que son admirable attitude affirma fort solides, ne l’enchaînèrent jamais : il ne cache pas, lui, républicain sans faiblesse, son admiration pour le Comte de Paris dont, sous le second Empire, il se trouva en Angleterre, de la façon la plus inopinée, le compagnon de voyage. Le prince lui avait l’ail don d’un couteau de poche que les communards raflèrent lors d’une perquisition chez lui, « après ma condamnation à mort, » écrit-il d’un ton détaché. Si, fort peu orléaniste, il juge avec bienveillance le fils des rois, je ne le vois pas s’emporter contre le neveu de l’Empereur qui l’a, en le révoquant, d’autre part, réduit à la gêne. De lui aussi il parle d’un ton apaisé. Il raconte, dans ce style un peu narquois que j’ai dit, combien le prince Louis était poli en 1848 : « Vous êtes chauve, lui dit le prince, très gravement, au cours d’une séance de commission, ce qui vous dispose aux rhumes de cerveau. On m’a conseillé pour me guérir de la calvitie de me laver la tête tous les matins avec du thé un peu fort. Je m’en trouve bien. » L’éternel auto-railleur d’ajouter : « Je me lavai la tête