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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/366

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IV

Cette transition m’amène à étudier maintenant le témoignage chez les anormaux de l’esprit, chez les psychopathes. Je ne m’arrêterai pas longtemps sur ce sujet, parce que les aliénés et les démens sont, comme on le sait, déclarés par la loi incapables de témoigner. Dans de certaines conditions cependant, ils peuvent être appelés, en vertu du pouvoir discrétionnaire du Président, à donner devant la Cour d’assises, de simples renseignemens, sans prestation de serment et à condition que le Jury soit averti de l’état intellectuel du témoin.

En réalité, cependant, témoignent devant toutes les juridictions de nombreux aliénés, dont l’affection mentale n’est soupçonnée ni par le public, ni par les magistrats ; et il est certain qu’à côté de l’histoire déjà si riche des aliénés méconnus et condamnés, on pourrait écrire celle des aliénés méconnus, acceptés comme témoins et crus sur parole par les tribunaux.

On peut essayer d’établir les principales variétés d’altérations pathologiques du témoignage, suivant les catégories d’aliénés appelés à déposer. M. Sommer (de Giessen) a ébauché ainsi une intéressante tentative de groupement des dépositions pathologiques. Je proposerai moi-même, sans la développer, une classification générale des témoignages morbides, fondée sur le mécanisme pathogénique de l’erreur chez le déposant.

On peut étudier les altérations du témoignage successivement chez les Débiles, les Déséquilibrés, les Démens et les Délirans.

Chez les Débiles, le témoignage est altéré par la faiblesse congénitale de l’intelligence, l’infirmité plus ou moins prononcée des facultés, consécutives à un arrêt de développement du cerveau.

La psychologie expérimentale, jointe ici à l’observation clinique, a bien montré à M. Rauschburg, à M. Stern, à M. Binet, à Placzek, que les débiles, même peu atteints, et dont les tribunaux acceptent les dépositions sont, le plus souvent, incapables d’un témoignage exact. À l’expérience, ils donnent, dans leurs réponses, deux fois plus d’erreurs que les adolescens normaux, interrogés dans les mêmes conditions. Ils sont beaucoup plus suggestibles ; et chez eux, la suggestibilité est mise en jeu par l’inertie mentale, la paresse de la volonté qui dictent aux