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et Lockwood. Déjà en 1901, il avait, au Nord du Groenland dépassé le 84e degré, et, en 1902, il avait atteint 84°17’.

Immédiatement après lui venait l’expédition du duc des Abruzzes, exécutée dans un tout autre secteur, au Nord-Est de l’Europe. Tandis que la Stella Polare était échouée dans la baie de Tœplitz, au Nord de l’archipel François-Joseph, où les glaces brisèrent sa coique en septembre 1899, le capitaine Cagni, parti en traîneau, atteignit, le 25 avril 1900, avec trois de ses compagnons, la latitude de 86° 33’, c’est-à-dire qu’il parvint à une distance de 383 kilomètres du pôle, soit à 37 kilomètres plus au ord que Nansen.

Le manque de vivres seul empocha le capitaine Cagni d’aller plus loin, car, dit-il, à mesure qu’il approchait du Pôle, les obstacles de la banquise devenaient moindres.

On sait que la Stella Polare, sommairement réparée par son équipage et remise à flot, put, dans le courant de l’été 1900, revenir jusqu’en Europe par ses propres moyens et atteindre, le 6 septembre 1900, Hammerfest, en Norvège.


Toutes les expéditions tentées au Nord de l’Europe, au cours des dernières années, ont été arrêtées par l’énorme difficulté que présente, au moins dans ce secteur, la surface de la banquise. En effet, la surface de la glace marine appelée banquise n’est pas unie. On peut la comparer à ce que serait, à une échelle bien moins grande, une accumulation de tuiles brisées, refoulées les unes sur les autres et soudées entre elles. Après des pentes, souvent très inclinées et que leur matière rend glissantes, on parvient à des escarpemens à pic et même en surplomb, dont la hauteur peut être très grande. Ailleurs, ce sont des blocs en désordre, redressés ou même retournés et repris par des congélations successives de la masse.

Avancer sur un pareil terrain est extrêmement difficile. Ni les traîneaux, ni les piétons ne peuvent y progresser d’une façon quelque peu rapide. Les navires ne le peuvent pas davantage. Les chenaux d’eau libre sont rares, momentanés, et constituent des impasses inconnues Aussi conçoit-on que des explorateurs hardis, en désespoir de cause, aient fini par trouver que la locomotion aérienne était le seul moyen pratique d’atteindre le Pôle Nord.