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Conserve-moi, du haut de l’azur que tu fends,
L’indulgence qu’ont les aïeuls pour les enfans,
Et ne refuse pas ton alerte visite
A mes lèvres dont trop souvent le souffle hésite…
La grappe s’arrondit, juteuse, au bon soleil.
C’est l’Automne aux mois d’or qui, roux, fauve ou vermeil,
Des aurores de pourpre aux couchans d’écarlate,
Sur les forêts ruisselle et par les champs éclate.
Les arbres, qu’un pinceau mélancolique a teints,
Ondulent en remous somptueux et lointains,
Et l’on croirait que leurs frondaisons d’épopées
Dans quelque crépuscule ardent furent trempées.
Car la Nature avant de mourir, embaumant
La terre des splendeurs de son renoncement,
Mêle en riches décors la flamme à l’émeraude,
Pour que la vie encore épanouie et chaude,
Avec l’agreste odeur qui flotte et grise l’air
Garde aux hommes le goût mielleux de l’été clair.
Les fruits au derme d’ambre, aux chairs molles de sève,
Les fruits sucrés, dont la maturité s’achève,
Inclinent les rameaux de leur poids fatigués.
Les troupeaux mugissans qui boivent près des gués,
Aux pacages où par degrés l’ombre s’allonge
Beuglent le soir vers les étables, comme en songe ;
Et leur appel plus triste émeut ces pèlerins
En quête de ciels neufs et d’horizons sereins,
Dont l’invisible vol sanglote et se lamente
Et, nuage éploré, tient tête à la tourmente.
C’est l’Automne aux mois d’or, symbolique saison.
Les candides agneaux ont donné leur toison,
Et l’on rencontre au fond d’une combe rouillée
Quelque vieille filant sa fruste quenouillée,
Tandis que paît la bande éparse qui la suit,
Et l’on sent que bientôt s’amortira tout bruit,
El qu’après ce déclin vibrant d’apothéoses
Une lente agonie envahira les choses.
Horace, est-il où la pensée empreint ses pas
Un rayon merveilleux qui ne s’éteigne pas ?
Existe-t-il, Horace, une magnificence
Si purement divine et d’une telle essence