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De l’agreste instrument qu’aux roseaux tu coupas
Charme la brute, afin qu’elle ne bouge pas.
Prouve qu’un rythme ému, si la douceur l’inspire,
Asservit le caprice à son suave empire
Et tient l’agilité captive au joug des sons.
O pâtre, sur la terre où tous deux nous passons,
Prouve que la musique enveloppe les êtres
De rustiques bonheurs et de grâces champêtres.
Caresse d’accords purs par ta flûte gémis
L’innocent animal qui, farouche ou soumis,
Est malgré tout fidèle aux labeurs qu’il partage.
Et, puisque tu reçus l’éphémère héritage
De tes milliers d’aïeux obscurs, fais-en du moins,
N’eusses-tu que ton âme et l’homme pour témoins,
Cette communauté radieuse, pareille
A la ruche aux miels d’or que gouverne une abeille.


AVE C/ESAR…


Le Peuple obscur des blés, Poète, te salue.
Un souffle, l’inclinant devant ta face élue,
Lui communique, avec ce geste concerté,
Un long frémissement d’ivresse et de fierté.
Ecoute. La rumeur de l’innombrable foule,
Comme un hymne sacré qui monte et se déroule,
T’enveloppe de ses murmures triomphaux ;
Car les épis tranchés au vol rampant des faulx,
Dans le cirque de monts où se perd leur cantique,
Mourront debout, pareils au belluaire antique.


POUR HORACE


Ma flûte balbutie, Horace, je le sais,
A peine suffisante aux timides essais.
Mais, si l’hymne en est fade, auquel je m’évertue ;
Si, moqueur, l’écho raille alors qu’elle s’est tue,
Transfigure aux reflets de ton limpide esprit
Le chanteur qu’on bafoue et les chants dont on rit.
Poète, dont la verve est franche autant que gaie,
Ecoute l’inhabile instrument qui bégaie ;