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« Au nom de la cause protestante : » car Francis Newman, dès ; qu’il se trouvait en présence du « romanisme » de son frère aîné, ne manquait pas de redevenir un ferme « protestant. » Mais, dans l’ordinaire de sa vie intellectuelle et morale, il professait une doctrine dépassant infiniment en hardiesse le protestantisme le plus « libéral. » Suivant sa propre expression, il était anti-tout-iste (anti-everything) ; et vraiment je ne crois pas que, même en Angleterre, beaucoup d’hommes aient poussé plus loin la tendance que désignerait, — à le prendre dans sa signification la plus pure, — le terme de « radical. » Aussi bien aimait-il lui-même à proclamer son « radicalisme, » ne cachant point que les tempêtes révolutionnaires les plus terribles seraient bienvenues à ses yeux, si elles réussissaient à détruire jusque dans leurs racines les mœurs politiques, sociales, et religieuses d’à présent. Ardemment il appelait de ses vœux « une convulsion nationale qui nous donnât de nouveaux principes, en même temps que des hommes nouveaux. » Ou bien il écrivait : « Ma devise politique est : l’Irlande aux Irlandais, l’Inde aux Indiens, l’Egypte aux Égyptiens, et advienne que pourra de l’Empire anglais ! » Bien avant les « suffragettes, » qui sont en train de compromettre définitivement la cause des droits politiques de la femme, Francis Newman s’était constitué l’apôtre du féminisme ; et il racontait volontiers que des chefs socialistes s’étaient effarouchés de l’audace de ses vues sur la propriété foncière et le capital. En matière de religion, j’ai dit déjà que ses Phases de la Foi et divers chapitres de ses Mélanges nous le font voir absolument affranchi de toute foi dogmatique, et ne conservant, de ses croyances anciennes, qu’une sorte d’« agnosticisme » vaguement déiste, à la manière des derniers manifestes du comte Tolstoï. Tout en assurant à ses amis que, « depuis l’âge de quatorze ans, il n’a point cessé d’être un chrétien conscient, » et que « les hymnes de sa jeunesse gardent toujours leur prix pour lui, mulato saltem nomine, » il écrivait, par exemple, le 7 janvier 1889 : « Je suis de plus en plus persuadé que, puisque le plus clair de nos devoirs a pour objet ce monde terrestre, il est bon que notre amour le plus fort s’adresse également à ce monde, au lieu d’être à tel point désireux d’immortalité que la vie même d’ici-bas nous apparaisse une attente pénible. J’accepte avec une soumission reconnaissante tout ce que le Maître Suprême me donnera, en fait de vie future, — ou bien aussi ne me donnera pas. »

Voilà quelles opinions a soutenues, pendant plus d’un demi-siècle, avec une vigueur et un éclat admirables, le frère cadet du cardinal