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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/486

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et que l’argent qu’elles auront recueilli devra finalement retourner dans la grande mer de l’État, c’est-à-dire ; à la Caisse des Dépôts et Consignations. Les sociétés de secours mutuels y gagneront seulement que l’ouvrier n’oubliera pas complètement le chemin qui conduit à elles ; mais, après les lourds prélèvemens qui auront été faits sur ses modestes ressources, pourra-t-il en opérer un nouveau qu’il confiera aux sociétés libres ? La question, qui a toujours été douteuse, l’est devenue encore davantage depuis que le Sénat a décidé que la contribution de l’adulte mâle s’élèvera dans tous les cas à la somme de neuf francs. Ici encore, l’amour de l’uniformité l’a emporté. Ouvriers des champs, ouvriers des villes, tous, quelque différens que soient leurs salaires, devront verser une somme égale. On avait espéré que le Sénat donnerait un encouragement à l’économie et à la prévoyance libres, en votant une majoration de l’État pour les versemens facultatifs qui viendraient, de la part de certains ouvriers, s’ajouter aux versemens obligatoires ; mais il a repoussé cette disposition sur laquelle le gouvernement et la Commission avaient cependant fini par s’entendre. L’obligation doit suffire à tout ; la liberté ne doit pourvoir à rien ; ou, si elle le fait en dépit des entraves qu’on lui impose, ce sera hors la loi, dans un domaine que l’Etat ignore et où ses subsides ne pénètrent pas.

Telle est cette loi, qui aurait pu être bonne et qui ne le sera point. Chaque pas qu’on y a fait, chaque disposition qu’on y a introduite l’a aggravée. On peut sans doute y opérer encore quelques améliorations de détail ; mais c’est une mince consolation, quand on aurait pu bien faire, d’eu être réduit à atténuer le mal qu’on a fait.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.