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vie, donnait à des plaisirs trop réglementés un air de spontanéité et l’entrain que l’Empereur souhaitait. En son genre, elle avait l’esprit organisateur ; personne qui sût comme elle organiser des élégances et des magnificences. S’agissait-il de donner une fête sans rivale ou un beau dîner, de diriger un ballet, un quadrille costumé, un divertissement ou des jeux, malgré sa santé débile, malgré ses nerfs en détresse, elle était toujours prête et ne refusait jamais le service. Dans sa partie, autant que Murat sur les champs de bataille, elle n’en était plus à compter ses succès, ses victoires. L’Empereur employait ainsi alternativement l’un et l’autre époux, selon leurs aptitudes ; Murat lui était utile pour la guerre et Caroline pendant la paix.

En septembre 1808, elle rejoignit son mari à Naples, où elle passerait presque toute l’année suivante. Entre les époux, malgré des causes de dissentiment, l’intimité conjugale subsistait. On se tutoyait comme au commencement du ménage, comme aux temps républicains et consulaires. Dans le palais royal de Naples, le Roi et la Reine vivaient l’un près de l’autre, veillaient ensemble à tous les détails d’intérieur et d’installation. En dehors de leur cour bariolée de Français et de Napolitains, ils avaient un entourage intime qui avait suivi leur fortune ; ils s’en occupaient avec sollicitude, Caroline ayant la passion de pourvoir à l’établissement de chacun et de faire des mariages. Très familiale au fond, malgré ses écarts, elle aimait son propre ménage et le voulait paisible. Quoique fortement attachée au cérémonial extérieur et aux prérogatives de sa royauté toute fraîche, elle réservait une grande part de soi-même à la vie domestique. Entre les époux, les occasions de se réunir, de jouir en commun de l’existence, restaient fréquentes. En ce climat favorisé, on vivait beaucoup sur la terrasse qui longeait les appartemens du Roi et d’où la vue s’étendait sur le golfe d’azur : « la belle terrasse, » c’est le lieu dont le souvenir évoquera toujours chez Caroline une émotion et un ravissement. Là, pendant l’été, après les ardentes journées, on goûtait la fraîcheur du soir et l’ineffable beauté des nuits napolitaines.

De tous les liens que l’habitude avait formés entre les époux, nul n’était plus fort que les enfans. Ils en avaient quatre : Achille, héritier présomptif de la couronne, Laetitia, Lucien, d’autant plus chéri que son enfance était souffreteuse, et Louise. Murat adorait ses enfans et les gâtait royalement. La Reine leur