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s’arrêterait un soir à Paris, elle aurait été l’y rejoindre, dit-elle ; et jouir de ces heures de grâce.

Peu de jours après, c’est sous sa plume un épanchement de gratitude : « Je vais te dire aussi que j’ai été pénétrée de chagrin en te voyant partir, et surtout pénétrée de la manière aimable que tu as été pour moi ; jamais tu n’as été comme cela, et j’avoue que cela m’a pénétrée de tendresse, et cela m’a donné beaucoup de courage pour te demander tout ce que je veux sans avoir la crainte de te fâcher comme tu faisais toujours, ce qui m’ôtait l’envie de te rien demander ou te rien devoir. Tu as été si bon, si parfait pour moi dans tes derniers instans que ces procédés m’ont touchée aux larmes et me pénètrent encore de tendresse. »

Puis, par chaque courrier, elle envoie au roi voyageur des paroles gentiment affectueuses, où il semble que son cœur se rende tout entier et que son âme s’épanouisse. Sans cesse, sa pensée vole vers son mari ; elle le suit en esprit tout le long de la route, à son arrivée dans le royaume, à Naples, auprès des enfans : « Que fait-on ? comment se porte-t-on ? Voilà la pensée habituelle. Je te vois te promenant sur ta longue terrasse, écrivant avec tes ministres ou faisant venir nos chers enfans près de toi et parlant à chaque instant de leur maman ; — écris-moi si je devine juste et si vous me rendez mes souvenirs. Mon cher ami, cette séparation dernière me paraît encore plus insupportable que les autres. » Au bout de quelque temps, c’est une confidence intime : « Je t’avouerai que je crois plus que jamais que je suis grosse, et mes souffrances mêmes me le prouvent. »

Continûment elle recommande au Roi de ménager sa santé, de ne pas trop travailler, de ne point se fatiguer et, s’il faut tenter l’entreprise de Sicile, de ne point s’exposer trop témérairement. Elle exige des nouvelles, des lettres fréquentes : « Songe qu’un seul jour de retard peut me donner beaucoup, mais beaucoup d’inquiétude. »

Ses lettres finissent en formules presque passionnées : « Adieu, mon cher ami, j’ai une grande impatience de t’embrasser… Adieu, mon tendre et bon ami, je t’embrasse comme je t’aime, c’est-à-dire bien bien, tendrement… Je t’embrasse mille et mille fois… » Et tout lui sert à raviver l’ancien amour, à le faire renaître de ses cendres, à en remuer les souvenirs. Les lieux où maintenant elle repasse, à Paris et aux environs, ont été témoins des commencemens du ménage et de la douce intelligence