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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/565

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accueilli M. Asquith à Bath. L’auditoire qui est moins nombreux, — il n’y a que 3 000 personnes, il y en avait 8 000 à Bath, — me paraît d’une condition sociale un peu supérieure. Aussi est-il moins démonstratif et moins bruyant. Après quelques mots du chairman, lord Curzon prend la parole. Grand, mince, élancé, le visage entièrement rasé, l’air très grand seigneur, il m’apparaît comme un type très représentatif de l’aristocratie anglaise et de la Chambre des Lords. Mais tous les Lords ne sont pas orateurs, et, comme on me l’avait dit du reste, Lord Curzon l’est au plus haut point. Il suffit de l’entendre cinq minutes pour s’en convaincre. Il parle avec un mélange de chaleur, d’esprit, de hauteur élégante et en même temps de bonne grâce tout à fait remarquables. La voix est moins forte et moins sonore que celle de M. Asquith, mais plus souple, bien timbrée et plus agréable à entendre. Je n’entreprendrai pas de résumer son long discours. Ce qui m’a le plus frappé, c’est le tact avec lequel il a parlé de sa situation comme pair, la dignité et en même temps, la mesure avec laquelle il a pris la défense de la Chambre des Lords et revendiqué, pour chaque pair, le droit d’intervenir personnellement pendant la période électorale, non seulement comme citoyen, mais comme membre du Parlement, pour défendre ce qu’ils considèrent comme les véritables intérêts de la nation, compromis par une Chambre des Communes imprudente. Cette partie de son discours a été chaleureusement applaudie, ce qui témoigne que la Chambre des Lords n’est pas aussi impopulaire que les Libéraux le prétendent.

Le reste du discours a eu principalement un caractère financier. Il a fait cependant allusion, mais en passant seulement, au Tariff Reform, et ce passage a été fort applaudi également, ce qui m’a montré que cette réforme était aussi populaire dans certains milieux qu’elle était impopulaire dans d’autres. Mais il s’est attaqué surtout avec vigueur à ce prétendu « Budget du Peuple » dont le rejet par la Chambre des Lords a été la cause de la crise actuelle. Il a reproché à ce budget ses tendances socialistes et la faveur avec laquelle il a été accueilli par les socialistes, non pas seulement en Angleterre, mais dans tous les pays. Il a démontré que les attaques dirigées contre la grande propriété constituaient également une menace pour la moyenne et pour la petite, et que les mêmes critiques pourraient être dirigées contre la fortune des commerçans ou des actionnaires des