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grandes sociétés. Il a fait l’éloge des grands landowners, de la conscience avec laquelle ils accomplissaient leur devoir social, en particulier dans les temps de crise et il a terminé par une péroraison éloquente en faveur d’une politique qui consisterait non pas à paralyser, mais à fortifier et à réformer la Chambre des Lords ; qui ne discuterait pas la valeur de la terre, mais la distribuerait plus largement parmi le peuple ; qui n’accorderait pas le Home rule, mais le refuserait ; qui ne détruirait pas les institutions de l’Angleterre, mais les préserverait ; qui ne ferait pas fuir le capital et ne diminuerait pas le travail national, mais qui encouragerait la production et le développement du marché extérieur, et qui, par-dessus tout, mettrait en pratique les deux principes énoncés sur les panneaux suspendus aux murailles de la salle : « Taxer l’étranger et défendre le drapeau. »

Lord Curzon s’assoit au milieu des applaudissemens. Après lui, les deux candidats unionistes ont pris la parole ; chacun d’eux avait amené sa femme qui était assise à côté de lui, et cela paraissait tout naturel. « C’est que, m’a dit une de ces dames, nous faisons autant de visites que nos maris ; toutes nos journées y passent. » Une résolution remerciant lord Curzon et exprimant la confiance en M. Balfour est votée à l’unanimité moins six voix, ou plutôt douze mains levées contre (ici on vote avec les deux mains), ce qui provoque des grognemens, des hou-hou. De même l’auditoire grognait avec furie toutes les fois qu’était prononcé le nom de M. Winston Churchill ou de M. Lloyd George, En revanche, le nom de M. Asquith ne soulève aucune protestation, soit qu’on respecte en lui « le premier ministre du gouvernement de Sa Majesté, » soit qu’on lui sache gré de sa modération relative, car ce qu’en conversation ses adversaires paraissent surtout lui reprocher, c’est de se laisser entraîner par ses jeunes et ardens collègues, au-delà des limites que, livré à lui-même, il ne franchirait pas.

Je reviens avec lord Curzon à la maison où j’ai reçu une si aimable hospitalité et nous soupons avec les deux candidats et leurs femmes. Ceux-ci se déclarent, à leur point de vue, enchantés du meeting. Néanmoins, il ne me semble pas que, dans la rue au moins, ils aient été l’objet d’une ovation populaire, comme les deux candidats libéraux de Bath. Les candidats unionistes ont été au meeting et en sont revenus en motor car. Les candidats libéraux avaient été amenés dans un landau assez mal attelé et