réunion. Elle doit se tenir dans une salle paroissiale qui appartient à la paroisse de Saint John, mais que le conseil de paroisse loue impartialement aux deux partis tour à tour. Je suis introduit avant l’ouverture des portes dans la salle qui est spacieuse, simple et ressemble beaucoup à ce que serait à Paris la salle d’une cité paroissiale. On m’installe sur la plate-forme. Aux murs sont suspendus de grands panneaux sur lesquels sont écrits, comme à Brighton, ces mots fatidiques : Tax the foreigner and defend the flag. La salle se remplit peu à peu avec une tranquillité qui m’étonne, mais j’apprends que ce sont des amis qu’on a fait entrer à l’avance, par une petite porte, pour être sûr d’avoir les premiers rangs bien occupés. Quand la grande porte s’ouvre, une foule nombreuse se précipite assez bruyamment et j’ai tout de suite le sentiment, ayant tenu en mon jeune temps pas mal de réunions électorales, que les choses vont mal se passer. Je regarde avec curiosité cette foule. Évidemment elle est en majorité composée de travailleurs. Beaucoup ont la pipe à la bouche. Une grande quantité de femmes et de jeunes filles médiocrement mises. Pendant ce temps, la plate-forme sur laquelle j’étais installé s’est garnie. Il y a également pas mal de femmes et de jeunes filles, assez élégantes au contraire. Il n’est pas étonnant que dans un pays où les femmes sont admises dans les réunions électorales, y applaudissent et y agitent leurs mouchoirs, il se trouve des suffragettes qui prennent la chose au sérieux et se demandent pourquoi elles ne voteraient pas.
À 8 h. 1/4 le duc de Norfolk fait son entrée. Il est salué par de vigoureux applaudissemens de la majorité de l’assistance, mais cependant des grognemens se font déjà entendre au fond de la salle. Il est petit, trapu, l’air assez vigoureux, avec une barbe un peu hirsute ; il porte un veston court avec un chapeau mou. Peut-être est-ce intentionnellement. Au contraire, le candidat unioniste, le capitaine Dalziel est en jaquette noire avec un chapeau haut de forme. Trompé par ces deux apparences si dissemblables, je m’étais, un instant avant l’ouverture de la réunion, présenté moi-même au capitaine Dalziel, le prenant pour le duc de Norfolk, et lui disant que peut-être il connaissait mon nom et qu’en tout cas nous avions beaucoup d’amis communs, ce qui, avec raison, parut étonner beaucoup ce brave capitaine. Le chairman, le duc de Norfolk et Je candidat s’assoient devant une table, le duc à droite, le candidat à gauche ; mais dès que le