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candidat revient tranquillement à sa place, soit que l’interrupteur ait pris le parti de s’en aller, soit qu’il ait promis de se taire. Je trouve ce petit épisode très anglais.

Autre incident. M. Lloyd George, dans un de ses plus violens discours a dit qu’en Allemagne, pays de protection, l’ouvrier se nourrissait de pain noir et de viande de cheval. Cette assertion a produit grand effet. Aussi a-t-elle été vivement contredite par les Tariff reformers, et d’ardentes discussions se sont engagées. D’abord, les Allemands mangent-ils vraiment du pain noir ? ensuite pourquoi en mangent-ils ? Est-ce par pauvreté ou par goût ? Le pain noir est-il si mauvais ? Est-il vrai que le Roi en mange à son déjeuner du matin ? La presse est remplie de cette controverse. Aussi, M. Remnant a-t-il eu l’idée d’apporter un morceau de ce fameux pain noir, et c’est ce que contenait le paquet qu’il avait sous le bras. Il le casse en plusieurs morceaux et offre de les faire circuler, pour montrer que ce pain n’est pas si noir que ça, et il a raison, car ce pain ressemble à notre gros pain de cuisine. Puis d’un autre paquet qu’on lui passe, il tire des morceaux de pain anglais, ceux-là irréprochablement blancs, et il démontre que ce pain, qui en réalité n’est pas meilleur, coûte beaucoup plus cher. Cet argument de choses paraît produire une certaine impression sur l’auditoire déjà convaincu du reste. Aussi la réunion se termine-t-elle par trois acclamations en faveur, de M. Remnant, trois grognemens contre. M. Lloyd George, et le candidat s’en va pour assistera un over-flow meeting où il est attendu, ayant soin d’emporter sous son bras un second morceau de pain noir allemand qui doit lui servir à la même démonstration. Je ne crois pas nécessaire pour moi d’y assister une seconde fois, et je rentre à l’hôtel, n’ayant pas assurément perdu ma soirée, mais regrettant de n’avoir pas assisté à un meeting socialiste. J’ai l’idée vague que le secrétaire général de la Liberal. League, un parfait et très aimable gentleman, pour lequel j’avais une lettre d’introduction, ne se souciait pas beaucoup au fond que j’assistasse à une réunion de ce genre.

Nous sommes arrivés à la veille de la bataille. La campagne électorale touche à son terme, au moins celle des discours. Les grands chefs ont tous parlé et reparlé. Les journaux de ce matin contiennent encore un discours de M. Asquith, et un discours de M. Balfour se répondant l’un à l’autre, sans