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et leur permettrait de la renverser. Le contraire s’est produit. C’est contre le gouvernement libéral que la vague populaire a en partie reflué ; elle ne l’a point renversé sans doute, mais elle la singulièrement ébranlé. Numériquement, le gouvernement sera vainqueur. Mais il pourra bien être dans l’embarras pour pousser loin sa victoire. Oserai-je faire observer que c’est ce que j’avais pressenti et tâché de faire pressentir dans ces notes envoyées au jour le jour ? Je crois pouvoir maintenant dire sans indiscrétion qu’à ma connaissance, c’est ce que prévoyaient et souhaitaient même les politiques du parti unioniste. Sachant que, s’ils avaient la majorité, elle ne pourrait être que très faible, ils ne se souciaient pas de prendre, dans des circonstances aussi défavorables, le fardeau du pouvoir. Ils aimaient mieux laisser à leurs adversaires l’embarras de gouverner avec une majorité insuffisante.

Certaines élections m’intéressent particulièrement, parce que j’ai assisté à quelques épisodes de la bataille. Birmingham, où M. Winston Churchill avait tenu une réunion si brillante, a donné aux Unionistes une majorité sans précédens. C’est un triomphe pour le vieux Chamberlain, et cela le consolera en partie de n’avoir pu prendre une part plus active à la lutte. Mes deux amis de Bath, avec lesquels j’avais partagé si indûment les acclamations de la foule, ont été battus, à une faible majorité, il est vrai. Les deux candidats conservateurs sont élus à Brighton. A Londres, dans ce quartier de Brixton où le duc de Norfolk avait été si indignement reçu, le candidat unioniste remporte, avec une assez grosse majorité., Il en est de même à Lambeth, faubourg très populeux et misérable de Londres, où un vieux pair, lord Ashbourne, s’est courageusement exposé aux huées de la canaille. Ces deux Lords ont ainsi recueilli la récompense de leur vaillance. Comme je l’ai déjà dit, les Lords ont donné dans toute l’Angleterre. Ils sont entrés hardiment en contact direct avec les masses électorales. Si, comme je l’espère, le principe d’une Chambre héréditaire, un instant mis en péril, sort sain et sauf de la bataille, c’est à leur énergie que cela sera dû. Les Lords se seront sauvés eux-mêmes.


J’arrête ici ces notes et résume mon impression dernière, L’Angleterre traverse en ce moment une grande crise de son histoire constitutionnelle, la plus grave par laquelle elle ait