d’une certaine autorité, est appelé à la faire respecter par la discipline et au besoin par des moyens de coercition. S’il s’y prend bien, il sentira sa tâche devenir plus facile, il en obtiendra des résultats qui l’y attacheront encore davantage : il fera participer de plus en plus ses subordonnés à cet optimisme justifié et salutaire. S’il s’y prend mal, il sera irrité de ses déceptions ; mais la colère a toujours été impuissante à faire quoi que ce soit d’avantageux. Il s’agitera donc sans autre profit que d’augmenter le trouble qui l’étonne ; car il voudra s’en prendre à tout le monde, excepté à lui-même. Nous connaissons tous ces états de désordre et d’impuissance dans une famille désunie, dans une classe mal tenue, dans un régiment mal conduit : des punitions tardives, appliquées à l’étourdie, en appellent de nouvelles, plus vaines encore que les premières : les unes et les autres discréditent et finalement ruinent l’autorité. Ce qui se passe en petit dans l’un ou l’autre de ces milieux peut se reproduire en grand dans l’ensemble de la société. C’est exactement ce que nous avons sous les yeux au moment présent.
Pour arriver à s’y bien prendre, que faut-il ? Connaître les moyens matériels dont on dispose, sans doute, mais plus encore savoir jusqu’à quel point et à quelles conditions les natures auxquelles on veut les appliquer pourront y coopérer. Non pas qu’on doive rigoureusement adapter les mesures à l’état d’esprit momentané de ceux auxquels on les destine, puisque cet état, il s’agit presque toujours de le modifier. Mais il est évident qu’il ne faut pas le modifier en l’aggravant, et que, pour l’améliorer, il faut avoir exactement calculé ce qu’il peut supporter. Il faut au soldat, non les armes les plus perfectionnées en atelier, mais celles dont il sera le mieux à même de se servir sur le champ de bataille : il faut au malade des remèdes auxquels puisse encore se prêter son organisme troublé ou délabré. Ainsi la peine manquera son but si elle irrite sans abattre ou si l’abattement qu’elle produit demeure définitif et sans espoir de relèvement possible. Elle le manque plus encore si elle n’obtient une apparente obéissance qu’au prix d’une corruption et d’une astuce croissantes, toujours plus prêtes à de nouveaux méfaits. Souvenons-nous enfin que, par son mode d’exécution, la peine doit agir, non pas seulement sur le coupable, mais sur ceux que la société a intérêt à préserver, en leur inspirant une idée persuasive de ce que veulent la justice et l’humanité.