pouvons dire indifféremment de rectification ou de correction.
Il est des choses que les hommes ne louent jamais tant que le jour où ils s’en séparent en réalité pour en poursuivre encore dans leurs rêveries l’ombre fuyante : ils en font une imitation quelconque ou une contrefaçon, mieux accommodée, pensent-ils, à ce qu’ils peuvent tolérer. Ainsi la religion, ainsi la morale, ainsi la famille. Jamais nos lois, nos institutions, nos mœurs, nos théories n’ont plus compromis la famille ; jamais cependant on n’a plus répété que l’enfant coupable devait être rendu in sa famille ou à une famille d’adoption. Il semble que cette formule ait la magie de tout résoudre.
Il est évident que, s’il s’agit d’une faute accidentelle en un milieu accidentellement mal surveillé, un avertissement doit suffire. Quand le penchant à la faute est trop visible et le milieu trop peu en état de l’enrayer, il faut bien chercher autre chose. Le but de ce travail étant d’examiner les modifications que paraissent actuellement subir les données du problème, je me borne à dire que la tendance présente est d’opposer le placement libre dans les familles au placement, soit dans un orphelinat, soit dans une maison indifféremment qualifiée d’école de bienfaisance, d’école industrielle, d’école de réforme ou de maison de correction.
Certes, nous avons tous besoin d’une famille ; mais pour tout homme, il n’y en a qu’une, la sienne. Ceux qui s’occupent d’études pratiques d’économie sociale et de patronage en reconnaissent la preuve partout. Prenez-un enfant qui dans sa famille aura été non seulement mal élevé, mais maltraité, qui n’y aura connu que les cris, les coups, la faim, les mauvais exemples ; mettez-le dans une maison où il sera bien élevé, bien traité. Il arrivera presque toujours un moment où il aura le désir, et le désir peut-être très vif, très troublant, très déprimant, s’il est contrarié, de se retrouver dans sa famille originaire. Pour les garçons comme pour les filles que l’on recueille et que l’on s’efforce de redresser, c’est là, vers dix-huit ans, l’écueil redouté des maîtres et des maîtresses. De cet état d’esprit très complexe il ne faut rien supprimer, ni de ce qui s’y aperçoit de touchant, ni de ce qui s’y dissimule sans doute de suspect et de malsain. Le jeune homme espère à la fois resserrer un lien dont il sent le besoin (ce lien dût-il le blesser encore) et retrouver à ses heures un peu plus de cette liberté qui l’attire toujours.