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trêve avant de les avoir groupés. En connaissez-vous dix qui n’aient en vue que le désordre ; veillez, autant que vous le pouvez, à ce qu’ils ne se rencontrent pas. Faut-il s’étonner une fois de plus que la même politique qui par la promiscuité de ses prisons, s’applique à former artificiellement des groupes criminels, soit aussi celle qui met tous ses soins et tout son art à dissoudre les groupes bienfaisans ?

« La récidive des libérés est proportionnelle à l’agglomérat ion des détenus ; » tous les directeurs de prisons ou de maisons de correction auxquels j’ai soumis cette formule, résumé de plus de quinze années d’études et d’enquêtes, n’ont eu qu’à y réfléchir quelques instans pour y donner une adhésion complète, tant leurs impressions de tous les jours et les souvenirs de leur carrière conspiraient à la vérifier !

Deux maisons de réforme pour enfans se disputaient les faveurs de l’administration française. L’une était parfaitement bien vue, tous les connaisseurs la comblaient d’éloges, et elle en était largement digne ! L’autre était beaucoup plus discutée et, à quelques égards, elle méritait de l’être. Peu à peu la première vit affluer chez elle ceux qu’un administrateur regretté voulait sauver ; à l’autre on mesurait de plus en plus parcimonieusement le nombre des envois. Or, un beau jour, un inspecteur général, regretté lui aussi, voulut calculer les récidives respectives des deux maisons. C’était « la bonne » qui en avait le plus ! Pourquoi ? Tout simplement parce qu’on en avait insensiblement forcé les effectifs. Ce souvenir ne m’avait pas quitté quand je lus dans un travail consacré à l’hygiène physique des casernes le fait suivant. Dans beaucoup de villes on avait trouvé la vieille caserne insalubre, et, sans la désaffecter complètement, on en avait bâti une nouvelle, selon les règles de la science la plus récente. Inévitablement les effectifs se réduisirent de plus en plus dans l’ancienne construction, et ils grossirent dans ta nouvelle. Qu’arriva-t-il ? Que bientôt le nombre des malades fut plus grand dans la bonne caserne surpeuplée que dans la mauvaise caserne désencombrée. Je n’insiste pas.

Donc, il faut mettre dans les mêmes murs le moins de prisonniers possible et il faut les isoler le plus possible : telles sont les deux exigences les plus impérieuses du problème pénitentiaire. C’est la première qu’il est le plus difficile de satisfaire : raison de plus pour respecter scrupuleusement la seconde. La