séparation individuelle demande la cellule, une cellule d’où le condamné ne puisse pas communiquer avec les autres condamnés, et d’où il ne puisse aller les retrouver sûrement, du jour au lendemain, dans la vie libre. Sans doute il faut autre chose pour qu’en empêchant un plus grand mal, elle puisse de plus faire un peu de bien. Mais commençons par exposer ce que le régime a d’essentiel et pour ainsi dire de constitutif.
Ce serait rentrer dans l’étude du problème pénal proprement dit que de rappeler comment elle ne doit pas être trop courte. Or présentement, tous les accusés, tous les prévenus savent sur le bout du doigt toutes les raisons qu’ils ont de compter sur des raccourcissemens progressifs de la peine dont on les menace. Aux exemples que j’en ai donnés, je n’ajouterai que celui-ci. Un jeune homme de dix-huit ans est arrêté pour une affaire de cambriolage nocturne en plein hôtel Terminus. Il a volé 40 000 francs. On a su par la suite qu’il avait eu des complices. Mais il s’était bien gardé de les dénoncer : il avait mieux aimé tout prendre sur lui. Pourquoi ? Par ce qu’en présence d’une association de malfaiteurs, la peine eût été plus sévère. Restant seul en face de la justice, il s’en tirait à meilleur compte, et il s’assurait la reconnaissance des camarades dont les opérations fructueuses pouvaient se continuer encore. Il est donc condamné à un an de prison. La réduction du quart, accordée de droit à ceux qui subissent leur peine en cellule, réduit les douze mois à huit. Au bout de six, on le propose pour la libération conditionnelle, et on le donne à la société de patronage dont j’ai l’honneur de faire partie. Que les efforts d’un aumônier de patronage incomparable et ceux d’une famille éprouvée, mais recommandable, puissent, dans le cas présent, obtenir de bons résultats, c’est une espérance permise, quoiqu’elle repose sur une base bien fragile encore[1]. Mais combien n’est-on pas désarmé devant la masse de ces calculateurs de la révolte et de la ruse, quand on les trouve nantis de semblables encouragemens ! Pour en dissiper l’influence mortelle, il faut de toute nécessité que la cellule soit assez longue et assez isolante. Les deux conditions se tiennent. Si les détenus communiquent ensemble facilement, ils auront beau rester longtemps incarcérés, ils ne feront que consommer l’un chez l’autre non seulement leur inutilité, mais
- ↑ On fit engager le jeune homme. Il a déserté.