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LÉOPOLD II ET SON RÈGNE

Petit pays, grand règne, c’est la formule dont l’histoire se servira pour juger les quarante-cinq années pendant lesquelles Léopold II a gouverné la Belgique : années de lutte et d’épanouissement, de conservation et de création, riches en épreuves, en succès et en leçons.

Constituée par la diplomatie, la Belgique a dû sa naissance, autant qu’à sa propre volonté d’indépendance, au désir de l’Europe de conjurer pour l’avenir les luttes dont elle avait été l’occasion dans le passé. Le jeune royaume était donc, géographiquement, historiquement, politiquement, fonction des grandes puissances qui lui avaient octroyé le droit de vivre. Affirmer, après sa personnalité juridique, son individualité morale, faire entrer dans la vie réelle le texte abstrait des traités, grandir, sinon en territoire, du moins en ressources et en énergies, tel était le destin de la Belgique. Mais il appartient à l’effort humain de dégager les destinées diffuses et d’ordonner les forces que la nature lui livre. Le mérite de Léopold II a été à la hauteur de cette tâche.


Monté sur le trône en 1865, il sort de cette race des Cobourg, qui a donné à l’Europe des généraux médiocres et des politiques hors de pair : race complexe, de souche allemande, mâtinée de sang anglais et français, race ancienne sans peur des nouveautés et qui fut au XIXe siècle e siècle une pépinière d’opportunisme. Son père, Léopold Ier, gendre de Louis-Philippe, rappelait par quelques traits le roi citoyen, prudent et circonspect comme lui, mais,