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ambassadeur, M. de La Rochefoucauld, et insuffisamment réparé, que l’Empereur a rompu avec éclat les relations, que le différend s’est aggravé, envenimé, et que les choses ont pris pour le royaume une tournure désastreuse. A Naples, il faut à tout prix couper court aux suites de la rixe, sans quoi l’incident va devenir un événement. Avec présence d’esprit, la Reine prend une décision immédiate et agit de sa propre initiative. Au lieu d’attendre une plainte officielle de la légation française, elle la prévient en annonçant l’intention de frapper exemplairement le coupable ; même, elle le fait mettre à la disposition du chargé d’affaires, afin que celui-ci statue sur le châtiment à infliger. En même temps, afin de ménager les susceptibilités napolitaines, elle déclare que, la livrée de l’Empereur étant la sienne, l’affront lui est personnel ; en conséquence, nul n’a qualité pour intervenir dans la réparation d’une offense qu’elle prend à son compte.

Le lendemain, elle annonce au Roi à la fois l’incident et le dénouement :

« Mon cher ami, nous avons célébré hier ta fête avec tout l’éclat que nous avons pu y mettre, et il ne manquait que ta présence pour compléter la joie universelle. Mais il est arrivé le matin un événement désagréable qui aurait pu avoir des suites, si je n’avais pris sur-le-champ tous les moyens d’adoucir cette affaire. Au moment où l’on se rendait au cercle du matin, le cocher de l’envoyé de France voulut dépasser une voiture qui était arrivée avant lui au bas de l’escalier. Le gendarme de garde à ce poste voulut le faire reculer, et le cocher s’avançant malgré cela et répondant avec beaucoup de brutalité, le gendarme lui a donné quelques coups de plat de sabre. M. Grosbois n’a pas manqué de donner raison à son cocher et de se plaindre que l’on avait insulté et battu la livrée de l’Empereur. On avait mis peu d’importance à ces plaintes, mais lorsque j’en ai été instruite, j’ai pensé que cette affaire allait avoir une très grande suite et peut-être un résultat semblable à celle de Hollande, si je ne mettais pas tous mes soins à l’apaiser. J’ai fait venir M. de Gallo (ministre des Affaires étrangères de Naples) et quoiqu’il ne fût pas disposé à faire de grandes réparations, je lui ai fait écrire à Grosbois une lettre qu’il a dû le communiquer, et dans laquelle, en excusant le gendarme, il annonça qu’il sera très sévèrement puni, et qu’il sera mis à sa disposition pour le châtiment. J’ai ensuite envoyé le grand