spéculative ; il devient curieux et il demande à la science de satisfaire ses curiosités. Or voilà précisément ce qui se passa à l’époque de la Renaissance. La science quitta l’ombre des écoles et des monastères, elle entra dans le monde et le monde la reçut bien, et tout en lui faisant les honneurs de sa maison, il lui apprit à vivre et à parler.
Grande révolution assurément ; car le moyen âge avait été par excellence « l’époque des spécialités, » l’époque des associations, des confréries, des groupemens. Jamais la société ne fut plus fortement organisée, et ce qui caractérise un être organisé, c’est la division des fonctions. C’est ainsi que la féodalité comprenait la vie sociale : division tranchée des fonctions, division tranchée des organes destinés à remplir ces fonctions ; principe de spécialisation qui se retrouvait jusque dans l’organisation de l’industrie où, grâce au système des corporations et des maîtrises, chacun était attaché à un métier héréditaire dont il avait peine à sortir. En un mot, dans cette puissante et savante société, chaque individu avait son lieu, sa place marquée d’avance où il restait parqué. Et en particulier, l’homme d’action et l’homme de pensée, l’homme d’épée et l’homme de plume formaient deux classes distinctes entre lesquelles il existait peu d’échange possible. Et comment eussent-ils communiqué ? Ils ne parlaient pas la même langue. Au XIVe siècle, la science, ou ce qu’on appelait la clergie, parlait une langue morte, le latin, et les chevaliers qui consentaient à l’apprendre étaient un sujet d’étonnement, presque un scandale, et, dans tous les cas, une exception rare. Aussi l’éducation du chevalier et celle du clerc dureraient essentiellement ; à l’un les études qui cultivent l’esprit, à l’autre les exercices qui assouplissent le corps et les habitudes, qui adoucissent à la fois et fortifient le caractère ; à l’un, la culture intellectuelle ; à l’autre, une éducation exclusivement physique et morale, où les choses de l’esprit n’entraient pour rien, pas même l’abécédaire. Cette scission, la Renaissance la fit cesser. La Renaissance, avons-nous dit, c’est la greffe de l’esprit antique sur le génie du moyen âge. Or l’idéal de l’éducation grecque au temps de Périclès était de faire des hommes complets ; à Athènes, on n’admettait pas la distinction des clercs et des hommes d’action, et il était conforme à l’esprit athénien qu’un poète par exemple fût magistrat et général. Et semblablement, la Renaissance tint à ce que la culture intellectuelle, la clergie cessât d’être le partage