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Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/815

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applaudissait au discours de Bluntschli proclamant qu’il fallait marcher pour la « liberté allemande » contre les influences intellectuelles romaines. Celle de Berlin, en octobre, manifestait contre l’école confessionnelle. A la Pentecôte de 1870, un autre congrès, réuni à la Wartburg, apprenait de la bouche de Bluntschli qu’un grand combat se préparait, que toute science, toute liberté, toute culture étaient menacées ; et l’on décidait que l’année suivante Bluntschli parlerait contre les Jésuites et Baumgarten contre « le papisme dans le protestantisme, » ce qui signifiait, en bon allemand, contre l’orthodoxie.

Ainsi se vérifiait, d’une inquiétante façon, ce cri d’alarme qu’avait poussé, dès le mois de décembre 1869, le catholique Weber : « Nous sommes entrés, pour l’instant, dans l’ère antichrétienne : la rage contre toute confession positive, spécialement contre la catholique parce qu’elle est la plus positive, est incroyablement grande. Il y a des contagions morales plus pernicieuses et plus rapides que les contagions physiques. Dieu aide les siens ! Nous devons avoir cessé d’être un peuple chrétien. » L’archevêque Ledochowski, moins pessimiste, se montrait néanmoins anxieux : « Pour mon compte, écrivait-il en 1870, je suis convaincu que le gouvernement s’efforcera de conjurer la tempête. Réussira-t-il ? C’est une autre question. Le cas échéant, nous nous défendrons. Mais, hélas ! la défense, dans des cas pareils, n’arrête pas le mal, ordinairement. »

Des anecdotes scandaleuses ou terrifiantes, colportées par les feuilles locales, propageaient la contagion que diagnostiquait Weber. On faisait surtout du bruit autour d’une séquestration de nonne, à Cracovie ; toutes les « feuilles d’intelligence » (Intelligenzblatt), auxquelles trouvait attrait, ne fût-ce qu’en raison de leur titre, l’épaisse vanité de beaucoup de lecteurs, racontaient avec de copieux détails cette macabre histoire. Les magistrats firent la lumière, qui justifia le couvent ; mais la presse étouffait la lumière, ne rectifiait rien, et plus tard, Mallinckrodt, dénonçant au Reichstag ce parti pris contre la vérité, tressaillait d’une telle fureur que son banc en tremblait devant lui. Le fantôme émacié de la nonne Barbara Ubryk continuait d’obséder les imaginations ; et les nationaux-libéraux, grands prêtres de la religion de l’humanité, osaient reprocher aux autres sacerdoces de brandir des épouvantails.

Les soldats de l’Allemagne, nationaux-libéraux ou non, ne se