Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/816

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

souciaient plus, une fois en France, ni de Barbara, ni de la civilisation, ni de l’humanité. Mais en Allemagne, le parti poursuivait ses desseins. L’heure approchait où le toit serait construit, où les « satisfactions intellectuelles » deviendraient urgentes. Déjà des enfans terribles s’impatientaient. « D’abord les Français, ensuite les Jésuites, » écrivait dès le 5 août, dans un journal de Gœttingue, un obscur référendaire. « Le parti ultramontain, expliquait un autre, doit être acculé, par la guerre franco-allemande, à une situation analogue à celle des révolutionnaires badois après 1849, et les soldats victorieux mettront un terme aux manœuvres de ce parti. »

Dans cette terre badoise qui, depuis dix ans, servait de champ d’expériences pour l’offensive « anticléricale, » le député catholique Baumstark notait d’effrayans symptômes : à Constance, chaque victoire sur la France était fêtée comme un triomphe sur l’ennemi intérieur, sur le catholicisme ; ailleurs, on défendait aux catholiques de tenir un meeting, en les qualifiant de traîtres à la patrie. « Les nationaux-libéraux, écrivait Baumstark en septembre, déploient les plus grands efforts pour influer sur la politique future de la patrie unifiée et réaliser enfin, autant que possible, leurs plans depuis longtemps caressés. »

Leur tactique était très captieuse. S’ils parvenaient à faire croire que les prêtres catholiques avaient souhaité la défaite de l’Allemagne, et puis à établir, d’autre part, que les victoires allemandes étaient des victoires du protestantisme, ils mettraient ainsi les catholiques en dehors de la nouvelle Allemagne, et ce serait l’affaire de quelques votes, ensuite, pour les mettre en dehors de la loi… On épia donc les propos des curés ; et les espions, fatigués, finirent par en inventer : on disait qu’ils faisaient prier pour la victoire des Français ; que, dans le secret du confessionnal, ils prêchaient la désertion ; qu’à la frontière, ils trahissaient ; que, dans le Palatinat, ils cherchaient à empoisonner les soldats du prince royal. Les démentis indignés survenaient ; le patriotisme des prêtres hessois était solennellement reconnu par des enquêtes judiciaires.

Mais alors surgissaient, à la rescousse des anecdotiers ainsi confondus, de fort ingénieux dialecticiens, dont l’adresse consistait à faire comprendre que l’attitude prêtée à ces curés n’avait, en définitive, rien d’absurde, puisque, avec l’Allemagne, c’était le protestantisme qui triomphait. « Les armées allemandes