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des députés qui représentaient le royaume de Prusse au Parlement de l’Empire. « Si les catholiques de Bade, de Wurtemberg et de Bavière avaient voté comme ceux du Rhin et de la Westphalie, écrivait Auguste Reichensperger, nous aurions des forces presque égales à celles des nationaux-libéraux. » Reichensperger calculait bien, et c’est justement ce qui devait irriter Bismarck : une fraction toute neuve faisait brèche, ayant au sujet de l’Empire, dont l’organisation s’imposait, des idées, des méthodes, des visées qui n’étaient pas celles du chancelier ; et cette fraction qui, après le second tour de scrutin, comptait 57 membres, trouvait sa racine, son point d’appui, dans le royaume même de Prusse, qui avait conduit la guerre et fait l’Empire.

Des accès de colère furent commandés aux journalistes : « Nulle part autant que dans la province rhénane, grondaient les Grenzboten, on n’a vu que l’Eglise catholique, telle qu’elle est conçue et exploitée par les ultramontains, ne doit être rien autre chose qu’un mécanisme destiné à la domination temporelle d’une certaine caste, se recrutant à la façon des Mameluks. » On commençait à dire aussi, pour discréditer le Centre, qu’il avait pour fondateurs Windthorst et Ketteler, un Guelfe impénitent, et un évêque que l’on dénonçait comme le complice de Dalwigk. C’étaient là des traits de polémique, mais non des vérités d’histoire : Ketteler ne fut pas consulté pour la création du Centre ; et le Centre était déjà né, lorsque Windthorst, député de Meppen, s’attardait encore à former à lui tout seul, en sauvage, une fraction qu’on appelait, par plaisanterie, la fraction Meppen. L’heure sonna très vite, assurément, où Ketteler, par le seul fait de son adhésion, assura le prestige du Centre dans les cercles d’Église ; et où Windthorst, par son adroite façon d’entrer en contact avec tous les élémens particularistes du Reichstag, accrut la force de rayonnement du nouveau parti ; mais les vrais parrains du Centre allemand demeuraient des « Romains » du Nord, d’anciens sujets de Guillaume, d’anciens fonctionnaires de Bismarck ; et c’étaient eux qui, dans l’Empire nouveau, allaient défendre pied à pied toutes les autonomies, territoriales et religieuses, lentement et savamment cernées par le parti national-libéral.