Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1910 - tome 55.djvu/837

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de cette nouvelle école voulaient avoir les mains libres, pour enchaîner et frapper l’Église. C’est ce que Marquard Barth expliquait sans ambages, au nom des nationaux-libéraux de la Bavière. La Bavière est-elle donc plus vieille que Rome ? ripostait Mallinckrodt. Mais entre les deux conceptions, entre les deux partis, aucun terrain d’entente ne pouvait s’aplanir. On en eut le sentiment, très aigu, lorsque l’historien Treitschke déclara que la motion du Centre permettait aux évêques des divers Etats de faire impunément rébellion, et lorsque l’évêque Ketteler lui répliqua : « Ne donnez jamais votre assentiment à des lois qui s’insurgent contre la volonté de Dieu, et nous ne serons jamais rebelles. » Du droit constitutionnel, on passait à la théologie : « Nous n’entendons plus ici que des discussions religieuses, » s’écriait M. Bebel.

Au vote, la proposition Reichensperger recueillit 59 voix ; 223 députés la repoussaient. Le catholique Frankenberg et plusieurs de ses amis silésiens avaient voté contre : ainsi prenaient-ils congé du Centre, avec un geste de guerre.

Des profondeurs de l’Assemblée s’élevait lentement, sourdement, la vague des passions anti-catholiques ; et dans son flux puissant, elle entraînait, avec les nationaux-libéraux, la foule des conservateurs. Bismarck, en silence, regardait ces phénomènes parlementaires ; il épiait, calculait, se taisait encore.

« Le Centre, écrivait peu de jours après Auguste Reichensperger, a démasqué les sycophantes de la liberté… Le gouvernement a gardé jusqu’à présent une stricte neutralité ; le prince de Bismarck est sûr de ses myrmidons, et il est en même temps assez fin politique pour ne pas irriter sans nécessité contre le nouvel ordre de choses les catholiques fidèles… Ses desseins et ses vues se portent bien plus haut qu’à se faire l’instrument des mesquines rancunes des croque mitaines du catholicisme. »

Auguste Reichensperger disait vrai ; mais qu’adviendrait-il, le jour où les rancunes déjà prolixes des nationaux-libéraux, tâtant et frôlant les rancunes assourdies du prince de Bismarck les provoqueraient à faire explosion ?


VII

« Le caractère de l’empereur Guillaume, ajoutait Reichensperger, répugne également à servir les passions libérales de ces