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pour défendre le pays et contenir ou repousser l’envahisseur.

Ces considérations, développées aux deux Chambres et dans la presse, démontrent le besoin, pour l’Angleterre, de se créer des amitiés qui, en lui enlevant tout souci, lui imposent le devoir de mettre dans la balance, le cas échéant, le poids de son épée. Par suite, son armée régulière ne doit pas être exclusivement coloniale ; elle doit être constituée en vue de sa participation à une lutte continentale. En outre, lorsqu’elle quittera elle-même les Iles Britanniques, il lui faudra laisser dans le pays des forces auxiliaires suffisantes pour parer à l’invasion non d’une véritable armée, mais d’un corps de débarquement.

Telle est l’idée qui semble avoir guidé le War-Office dans les réformes qu’il a appliquées à l’armée avec une méthode et une ténacité remarquables.

A la crainte d’un danger extérieur s’ajoute, dans certains esprits, la croyance en une sorte de décadence qui se manifesterait dans la population.

Cette opinion est clairement exprimée dans une instruction que le général Baden-Powell a écrite à l’usage des Boys-Scouts, ou jeunes éclaireurs de dix à dix-huit ans qu’il a formés. Cette institution, qui compte déjà plus de 300 000 adhérens, a reçu une sorte de consécration officielle puisque le Roi lui-même a passé la revue de ces jeunes gens. Ceci tendrait à montrer que les idées du général, si elles ne sont point partagées par tous, causent néanmoins une certaine émotion. « Le grand Empire britannique, dit le général, tombera en pièces comme l’Empire romain, si nous n’avons plus de patriotisme, car nous avons beaucoup d’ennemis qui deviennent de plus en plus forts… Les mauvais citoyens qui ont miné l’Empire romain se glissent parmi nous… ; les mêmes causes qui ont amené sa chute travaillent aujourd’hui la Grande-Bretagne. » Parmi les sages conseils que l’auteur donne à ses jeunes éclaireurs, se trouve celui-ci : « Ne faites pas comme les Romains et ne payez pas d’autres personnes pour se battre pour vous. » Le remède, dit-il, « doit être appliqué à la génération qui s’élève…, il doit viser à former le caractère chez les hommes de l’avenir ; » il ajoute : « Il est possible à une nation, par le courage et l’énergie, en reconnaissant ses fautes, en prenant à temps les remèdes appropriés, non seulement d’éviter de devenir pire, mais de s’élever plus haut dans le bien. »