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Le problème de la réorganisation militaire était fort difficile à résoudre. Il convenait d’abord de respecter les traditions nationales qui, jusqu’ici, se refusent au service obligatoire ; de plus, l’armée anglaise doit répondre à des tâches multiples : défense des colonies, défense du territoire, guerre continentale.

Ces trois missions à remplir devaient appeler logiquement la création de trois organes distincts : une armée coloniale, une armée territoriale, une armée nationale offensive. Avec le système du recrutement par engagemens volontaires, cette dernière eût exigé des sacrifices financiers excessifs que le pays n’eût jamais consentis. On dut donc confier à l’armée coloniale, c’est-à-dire à l’armée régulière, une double fonction, la défense des colonies et la participation à une guerre européenne. Or, par des raisons d’économie, une armée coloniale a toujours des effectifs relativement restreints ; la coopération de l’Angleterre à un conflit général sera donc toujours assez étroitement limitée. De là à prétendre, comme l’ont fait certains organes, que l’amitié anglaise n’a aucune valeur militaire, il y a loin.

Aussitôt la campagne Sud-Africaine terminée, on voulut remédier aux défauts de l’organisation qu’avaient mis en lumière les leçons d’une dure expérience. Plusieurs enquêtes furent ouvertes et confiées à des commissions : Royal commission on the War-Office in South Africa, Comité Esther, Comité Norfolk. Leur travail aboutit à la réorganisation du ministère de la Guerre, à la création d’un Comité impérial de défense et à la constitution d’un État-major général. C’étaient déjà trois progrès. L’Etat-major général, si nouvellement formé, n’a peut-être pas encore toute l’expérience pratique qui ne s’acquiert que lentement, toute l’instruction tactique que donnent seulement les longues et patientes études historiques ; mais avec la persévérance et la ténacité du caractère anglais, avec un travail assidu, le nouveau corps sera promptement à hauteur de sa tâche.

Pour faciliter l’organisation d’expéditions coloniales, on renonça au groupement par corps d’armée et on adopta le fractionnement en divisions. On suivait ainsi l’exemple du Japon, qui, insulaire comme la Grande-Bretagne, se trouve dans des conditions analogues.