qu’ils avaient dans la dernière Chambre. Leur majorité, qui était écrasante, leur permettait alors de gouverner indépendamment des Irlandais et des socialistes. Les premiers surtout sont des alliés dangereux. On peut accepter leur concours pour renverser un gouvernement ; mais peut-on gouverner grâce à eux ? C’est la question qui se pose aujourd’hui.
Nous avons lu dans un journal : « Le pays a hautement dicté sa volonté, il ne reste plus qu’à la deviner. » C’est là, effectivement, qu’est la difficulté. Deviner la volonté du pays est embarrassant, car les deux partis arrivent avec des forces sensiblement égales. En réalité, à la suite de cette lutte ardente, nul ne peut se dire vainqueur. Les Irlandais ont gardé leur contingent, mais ils sont divisés et leurs divisions se sont encore accusées. Les socialistes ont perdu quelques sièges, mais ils n’ont pas perdu de voix dans le pays. Les conservateurs ont gagné en chiffres ronds 110 sièges, mais ils avaient été tellement écrasés aux élections précédentes, que tout le monde s’attendait à les voir reconquérir une grande partie du terrain perdu : il s’agissait seulement de savoir quelle serait l’étendue de la partie reconquise. Elle n’est pas assez grande pour leur permettre de gouverner ; mais l’est-elle assez pour empêcher leurs adversaires de le faire ?
Tout est là. La réponse que les faits donneront à cette question, — et les faits seuls peuvent lui en donner une, — dépendra évidemment beaucoup du programme de conduite qu’adopteront les libéraux. Si les journaux font beaucoup de projets, le gouvernement n’a pas encore arrêté les siens, ou du moins il ne les a pas fait connaître. En somme, il a le choix entre deux partis. S’il prétend tirer les dernières et extrêmes conséquences d’une victoire qui n’en est pas une, il se heurtera à des difficultés inextricables. S’il borne son ambition aux proportions de son succès, il ne trouvera sans doute pas chez les conservateurs une opposition insurmontable à certaines réformes dont la nécessité est universellement reconnue. Ainsi, tout le monde admet celle de réviser la composition de la Chambre des pairs. Le discours que lord Rosebery a prononcé à la veille de la dissolution de la Chambre, et qui n’était peut-être pas très opportun à cette date, l’est beaucoup plus à présent. Mais si, après avoir modifié la composition de la Chambre haute, en vue sans doute d’augmenter son autorité, on veut lui enlever tout pouvoir et en faire seulement une assemblée consultative, on s’exposera à des résistances désespérées. Un de nos doctrinaires politiques disait autrefois que le gouvernement parlementaire était un gouvernement où personne n’allait jusqu’au