bout de son opinion. C’est, en effet, un gouvernement de conciliation et de transaction. Le jour où il cesse d’être cela et où un parti, au lieu de chercher à ivre avec l’autre, ne cherche qu’à l’écraser et à l’anéantir ; le jour surtout où, pour réduire à ce sort un parti constitutionnel, il se sert de l’appui d’un parti-anticonstitutionnel, le gouvernement parlementaire cesse d’exister ; il prend un autre caractère et mérite un autre nom.
Le nouveau parlement britannique est sur le point de se réunir ; il serait très téméraire de vouloir préjuger l’attitude qu’adopteront les partis l’un à l’égard de l’autre ; le plus sûr est de les attendre à l’œuvre. La situation reste très incertaine, puisque personne n’a de majorité. Il est probable que, dans un temps plus ou moins long, de nouvelles élections seront nécessaires ; mais il est désirable que ces élections n’aient pas lieu trop tôt, afin de laisser au pays le temps de s’éclairer et de réfléchir. Des élections trop prochaines creuseraient encore le gouffre entre les deux fractions égales du pays : le temps seul peut permettre de jeter des ponts sur l’abîme. Quant à l’avenir, M. Thiers disait, dans une situation analogue, qu’il serait au plus sage.
La Hongrie est le pays du monde où les crises ministérielles durent le plus longtemps avant de se dénouer, ce qui ne veut malheureusement pas dire que ce soit celui où les passions pohtiques soient le plus calmes. Le ministère Weckerle était démissionnaire depuis de si longs mois que nous en avons oublié le nombre ; mais il continuait d’expédier les affaires, pendant que l’Empereur et Roi négociait avec les hommes politiques, qu’il faisait appeler les uns après les autres sans réussir à se mettre d’accord avec aucun, car tous, en dehors du ministère, réclamaient l’institution d’une banque nationale, à laquelle le vieux souverain faisait une opposition irréductible.
En désespoir de cause, on en est venu à l’idée de former jusqu’à nouvel ordre ce que nous appelons un ministère d’affaires qui, sous la présidence de M. de Lukacs, ménagerait les transitions et aiderait à franchir le pas difficile. Mais M. de Lukacs, ayant cherché vainement quelques concours qui lui ont tous été refusés, a été vite découragé ; il a rendu au Roi le mandat qu’il en avait reçu, non sans avoir fait pressentir qu’à défaut de lui, François-Joseph aurait recours au comte Khuen-Hedervary qui, pendant vingt années, a gouverné la Croatie avec une igueur de poignet dont le souvenir est resté légendaire. En effet le Roi a fait appel au dévouement du comte Khuen-Hedervary, sur lequel il peut toujours compter. C’était la guerre : le comte Khuen