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l’apprenti solicitor avait jeté les yeux sur l’arène politique où il mettait maintenant le pied. Mais son entrée dans la Chambre, en 1890, ne causa pas plus d’émotion que son apparition dans la tribune en 1884. Sa petite renommée galloise n’était pas encore arrivée à Saint-Stephens. On ne fit aucune attention à ce petit homme, quelque peu chétif d’apparence, dont le visage, moitié hardi, moitié naïf, gardait encore quelques traces d’enfance.

Les membres du parlement ne touchent aucune indemnité, n’émargent pas, comme nos députés, au budget qu’ils votent chaque année. Il n’est peut-être pas sans intérêt de remarquer, en passant, qu’à cet égard, la démocratie britannique est moins avancée qu’au moyen âge. Car, sous les Plantagenets et sous les Tudors, les représentans des bourgs et des comtés recevaient des frais de déplacement et de séjour à Londres pour la durée de la session et, — eu égard à la valeur relative de l’argent aux deux époques, — il me semble que l’allocation devait couvrir, et au-delà, leurs dépenses. Cet usage a disparu depuis plusieurs siècles. Comment et de quoi allait vivre le jeune député de Carnarvon ? D’abord il avait songé à continuer ses études juridiques pour obtenir les diplômes nécessaires à l’exercice de la profession d’avocat. Mais il reconnut que les avocats, en général, n’ont pas l’oreille de la Chambre et que, d’ailleurs, la politique et le barreau, chacun de leur côté, réclament un homme tout entier. Or son choix était fait et, ne pouvant se partager, ni se dédoubler, il se voua sans réserve à la politique vers laquelle l’entraînait une impérieuse, une irrésistible vocation. L’idée lui vint de confier à son frère, plus jeune que lui de deux ou trois ans, son étude de solicitor qu’il avait mise en rapport et sur laquelle il veillerait de loin. En même temps, il s’essayait, comme font quelques membres du parlement, au métier de journaliste, et cette tentative nous permet de connaître sous une forme plus ou moins sincère, mais très remarquable, ses impressions de nouveau venu dans le milieu parlementaire.

Un journal local reçut ces « confidences, » de M. Lloyd George à ses débuts. Il y rangeait les députés, ses collègues, en quatre catégories. D’abord les snobs et les fainéans, qui siègent peu et ne travaillent point. Pour ceux-là, la Chambre des communes n’a d’autre utilité que de leur ouvrir les salons du grand monde ; Puis, viennent les Guinea pigs, qui exploitent leur