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Revue musicale


THEATRE DE L’OPERA : La Forêt, légende musicale en deux actes ; paroles de M. Laurent Tailhade, musique de M. A. Savard. — La Fête chez Thérèse, ballet en deux actes ; scénario de Catulle Mendès, musique de M. Reynaldo Hahn. — À propos de l’Op. 111 de Beethoven. — La Société Haendel.

Mi ritrovai per una selva oscura,
Che la diritta via era smarrita.
Ahi ! quanto, a dir qual era, è cosa dura,
Quesia selva selvaggia ed aspra e forte


Jamais nous n’avons mieux compris ces fameux vers de Dante au début de l’Enfer. Nous aussi, nous nous sommes trouvé dans une forêt obscure, où la voie droite était perdue, et c’est une dure chose d’avoir à dire combien est sauvage, âpre et rude, la forêt où MM. Tailhade et Savard nous ont conduit.

Dans le fourré des paroles et dans celui de la musique nous nous sommes tout de suite égaré. Sous les hêtres et les chênes, voici le bûcheron et, dès ses premiers mots, on commence à ne pas l’entendre. On croit seulement deviner à ses gestes, à sa physionomie, qu’il aime ses arbres d’un mystérieux et fatal amour. Chargé de les abattre, le cœur lui manque à cette seule pensée, objet aussitôt d’un interminable autant qu’inintelligible soliloque. Alors survient la bûcheronne, et ce qu’elle dit, ce qu’elle est, nous échappe également. Il semble du moins qu’elle redoute et qu’elle signale à son époux (ou à son fiancé, nous ne savons pas au juste) le charme jeté sur lui par la forêt.

La bûcheronne avait raison et bientôt le charme opère. Le bûcheron, se faisant violence, a porté les premiers coups. Les troncs gémissent sous la hache. De verts fantômes de dryades se montrent et se plaignent derrière les écorces blessées. Enfin une femme apparaît,