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les districts incontestablement polonais, tels que Biélostock, donné par Napoléon à Alexandre Ier après Tilsitt.

Des Russes ont soutenu qu’on ne pouvait concéder d’institutions autonomes à la Pologne qu’en enlevant à la suprématie polonaise les trois ou quatre cent mille Ruthènes des provinces de Lublin et de Siedlce. Il serait aisé à l’administration impériale de garantir les droits de ces paysans ruthènes, mais toute l’attitude du gouvernement russe vis-à-vis des Polonais de la Vistule montre assez qu’il est loin de songer à leur accorder aucune autonomie, même étroitement restreinte.

Il nous est pénible de le constater, le gouvernement impérial n’a pas su mettre à profit, pour se les attacher, les sentimens de loyalisme manifestés par la plupart des Polonais, durant la guerre de Mandchourie et la période d’agitation révolutionnaire. Après quelques mois d’apparente hésitation et de tolérance relative, il a repoussé, délibérément, toutes les tentatives de conciliation. Il en est revenu aux pratiques anciennes, à la dure et stérile politique de dénationalisation, condamnée par les plus clairvoyans de ses agens, tels que le prince Imérétinski. Il est en train de fermer les écoles polonaises qu’il avait laissées s’ouvrir durant la crise, de dissoudre toutes les sociétés polonaises, temporairement autorisées par son administration. Et cela, alors qu’il laisse, à côté, naître et grandir de nombreuses sociétés allemandes aux tendances pangermaniques ; car, les yeux toujours ouverts sur les prétendus périls du polonisme, il semble les clore volontairement sur ceux du germanisme. Moins équitable que l’Autriche envers ses sujets polonais, il prétend conserver à l’Université de Varsovie un caractère exclusivement russe, pour en faire, en pleine Pologne, comme la garnison intellectuelle du maître étranger. Il n’a servi de rien aux Polonais de se montrer, aux deux premières Doumas, parmi les plus sages et les plus respectueux sujets du Tsar ; le gouvernement, irrité d’avoir à compter avec eux, leur a enlevé brusquement les deux tiers de leurs représentans à la Douma d’Empire. Aujourd’hui même, tout en refusant de leur accorder aucun germe d’autonomie administrative, il persiste à leur refuser la plupart des institutions libérales concédées aux provinces russes de l’intérieur, ou s’il parle d’en introduire enfin quelques-unes dans le « Royaume, » c’est avec des altérations, des restrictions qui, aux yeux des Polonais, en réduiraient singulièrement la valeur.