C’est en s’inspirant de cette haute maxime, en respectant les droits de chacun et, avant tout, les droits de la conscience, que le gouvernement impérial consolidera l’immense Empire et en assurera le mieux les destinées, contre tous les périls du dedans et toutes les menaces du dehors.
Les Polonais catholiques ne sont pas les seuls sujets du Tsar chez lesquels l’oukase de tolérance d’avril 1905 ait éveillé des espérances, déjà en partie déçues. Cela est encore plus vrai des Juifs. S’il est un domaine où la législation russe ait fait bien peu de progrès, c’est assurément les lois touchant les Israélites. La Russie, ou plus exactement l’Empire russe, possède près de la moitié des Juifs du globe. On évalue, au commencement de ce XXe siècle, le nombre total des Israélites, dispersés dans les cinq parties du monde, entre dix et onze millions d’âmes. Plus de cinq millions habitent les Etats du Tsar ; et parmi leurs coreligionnaires d’Europe, d’Asie, d’Amérique, beaucoup sont originaires de l’Empire russe. Depuis un quart de siècle, des milliers et des milliers de familles israélites s’évadent, chaque année, des frontières de la Russie pour aller demander à d’autres Etats, aux deux Amériques notamment, ce que les débris d’Israël n’ont pas encore obtenu sur le sol russe, la liberté et l’égalité. Depuis une quinzaine d’années surtout, près de 100 000 Juifs quittent, chaque été, la Pologne, la Lithuanie, la Petite-Russie, la plupart pour s’embarquer, dans les ports allemands, sur les vaisseaux de la Hamburg-America ou du Norddeutscher Lloyd, qui les transportent, à prix réduits, sur les quais de New- York. C’est ainsi que cette dernière ville, devenue le grand centre moderne du judaïsme, compte aujourd’hui près d’un million de Juifs, si bien que, au lieu de New-York, certains Américains s’amusent à dire Jew-York.
Cet exode ininterrompu des Juifs russes aux Etats-Unis, dans l’Amérique du Sud, en Palestine, jusqu’au Transvaal, ne semble pas diminuer la population Israélite de l’Empire ; il n’absorbe guère que les excédens annuels des naissances sur les décès. Si développée que soit l’émigration des Juifs, on ne saurait donc en attendre la solution de la question juive. Cette question, héritage de l’ancienne Pologne, ne peut être résolue qu’en Russie