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II. — LA DUCHESSE DE BOURGOGNE (1698-1713)

En 1696, Louis XIV, qui avait cinquante-huit ans, était arrivé à cet âge un peu mélancolique « où la maturité va bientôt se changer en vieillesse, » où, la vie commençant à se détacher de vous, il faut « savoir se détacher de la vie. » Le grand roi avait du reste vieilli avant le temps et il sentait alors que les belles années de son règne étaient finies. Pourtant l’arrivée à Versailles, le 5 novembre 1696, de la jeune princesse Adélaïde de Savoie, qui venait épouser le Duc de Bourgogne, rendit un peu de gaîté à cette Cour déjà si froide par elle-même, dans son étiquette sévère. La princesse fit tout de suite la conquête du vieillard qui, de son côté, voulut gagner le cœur de l’enfant. Il y avait dix jours à peine qu’elle était arrivée, qu’il la conduisait avec toutes ses dames dîner au château de Meudon où demeurait son futur mari. Après le repas, la compagnie alla se promener dans les jardins du château où l’on nourrissait également des animaux sauvages. Dans la conversation, le Roi lui dit que toutes les princesses avaient des ménageries aux entours de Versailles et qu’il voulait lui en donner une bien plus belle que toutes les autres ; c’était de la sienne même qu’il entendait parler. La conversation n’eut pas alors de suite ; on était pendant l’hiver ; la princesse n’avait pas encore vu cette belle ménagerie dont on lui parlait. Ce fut seulement au mois d’avril de l’année suivante qu’elle vint y faire sa première collation ; au mois de juin de la même année 1697, elle y soupait en compagnie de Mme de Maintenon, et au mois de décembre suivant, elle épousait le Duc de Bourgogne.

La petite duchesse n’avait pas oublié la promesse du Roi. Elle la lui rappela au printemps de 1698, mais Louis XIV, ne se souvenant sans doute plus de ce qu’il avait dit, lui indiqua plusieurs autres maisons dans le parc en lui disant de choisir. La duchesse ne trouva naturellement rien qui pût lui convenir et finalement elle amena son grand-père à lui donner la ménagerie de Versailles. Le Roi fit venir aussitôt Mansart pour s’entendre avec lui et avec la princesse au sujet des modifications et des embellissemens à faire exécuter au petit château et aux cours. La duchesse fut ravie ; on voit dans ses lettres la joie enfantine que lui causa cette attention du Roi, et l’importance