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Il semble donc bien que la ménagerie continua encore pendant longtemps, après la mort de Louis XIV, à être peuplée d’un assez grand nombre d’animaux. Comme au temps du Grand Roi, on y faisait peindre ou dessiner les bêtes les plus curieuses. C’est ainsi que J.-B. Oudry figura : en 1739, un « Bouquetin de Barbarie, » un « Tigre dans sa loge » avec des dogues agaçant l’animal à travers la grille ; en 1740, un « Léopard ; » en 1745, un « Cazuel ou Cazuer, » l’« Oiseau royal, » le « Gonasale » et une « Demoiselle ; » en 1746, un « Loup-cervier » assailli par deux bouledogues ; en 1747, un « Léopard ; » en 1748, un « Butor ; » en 1753, un « Lion. » À ces œuvres datées, il faut ajouter, du même auteur, les gravures d’un loup, d’un mouflon, d’un chamois, d’une gazelle, d’un blaireau et d’un sanglier, ainsi que les peintures d’un cerf axis, d’un serpentaire, de chèvres, de perdrix, de vautour et de flamant, ces dernières ornant aujourd’hui le cabinet du Directeur du Muséum d’histoire naturelle de Paris.

En 1770, la ménagerie de Versailles reçut un rhinocéros que M. Berlin, ministre d’Etat, avait fait venir du Cap. C’était, paraît-il, le premier rhinocéros mâle qu’on eût jamais vu en Europe ; il était fort jeune, n’ayant que cinq pieds et demi de haut et ses cornes du nez ne faisaient que pousser. Bernardin de Saint-Pierre, qui le vit à son passage à l’Ile de France, remarqua qu’il haïssait les cochons ; il écrasait avec sa tête, contre le bord du vaisseau, tous ceux qui venaient à sa portée ; mais il avait pris une chèvre en affection : il la laissait manger son foin entre ses jambes. Ce rhinocéros fut visité par le duc de Croy, par Buffon et par Camper, le célèbre zoologiste hollandais. « Il avait la peau si sensible, dit ce dernier, qui le vit en juillet 1777, que, pour éviter la piqûre des mouches, qu’il ne pouvait écarter à cause de la petitesse de sa queue, il se cachait entièrement, au nez et aux oreilles près, dans un abreuvoir qu’on avait pratiqué pour lui. » C’était un rhinocéros de l’espèce bicorne, « au regard vif et doux, » sur la tête duquel poussèrent, derrière les cornes, deux excroissances osseuses dont il se débarrassa par frottement quand elles devinrent trop grandes.


IV. — LA MÉNAGERIE DE VERSAILLES AU TEMPS DE LOUIS XVI (1774-1792)

La ménagerie de Versailles arrivait au règne de Louis XVI, en 1774, dans les plus mauvaises conditions. Vieux d’un siècle,