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il aimait cette toilette extrêmement, car pendant qu’on la lui faisait, il pompait avec sa trompe, pour s’en régaler ensuite, tout ce qu’il pouvait aspirer de cette huile. » L’éléphant mourut d’accident à l’âge de douze ans. Il avait rompu ses chaînes dans la nuit du 24 au 25 septembre 1782, puis, brisant les portes de sa loge, il était sorti pour se promener ; dans sa course nocturne, il tomba dans une pièce d’eau, remplie d’une vase infecte, dont l’odeur le suffoqua ; il resta là jusqu’au lendemain et on ne put le retirer, blessé, qu’avec beaucoup de peine ; il mourut quelques jours après. Son cadavre fut envoyé à Paris, au Jardin du Roi, où il fut disséqué par Daubenton le jeune, alors garde du Cabinet, et par Mertrud, démonstrateur d’anatomie ; le poids total du corps fut évalué à près de 5 000 livres ; sa peau seule en pesa plus de 700.

Ce qui, avec les éléphans et les rhinocéros, attirait le plus les visiteurs, c’étaient les loges des animaux féroces où l’on voyait des lions et des tigres. Un beau lion surtout, amené des forêts du Sénégal avec un chien « compagnon de son enfance et consolateur de son exil, » retenait surtout les cœurs sensibles. L’histoire de ces deux animaux, relatée par un de ceux qui les virent, G. Toscan, est en effet assez curieuse.

Le tion avait été pris en 1787, à l’âge de 3 à 4 mois, et donné à Pelletan, directeur de la Compagnie d’Afrique au Sénégal. Pelletan était un grand ami de la nature et sa maison était remplie d’animaux de toute espèce qui y vivaient en liberté complète. Moutons, chevaux, chiens, chats, singes, autruches, oies, canards, dindons, poules, perruches, tous accueillirent familièrement le lionceau qui, de son côté, ne leur fit jamais aucun mal. Un jour, — le lion avait alors huit mois, — la chienne de Pelletan mit bas deux petits, tout à côté du lieu où il se couchait d’ordinaire. Le lion prit sur-le-champ un intérêt très marqué à cette nouvelle famille auprès de laquelle il restait constamment. Dans les courts intervalles où la chienne s’écartait, il prenait sa place. C’était une chose très intéressante à observer que l’attention qu’avait ce gros animal un peu lourd, et dont les mouvemens étaient très pesans, de ménager les petits chiens en les caressant, pour ne pas les blesser. La chienne n’était point inquiète de voir ses petits dans les larges pattes du lion ; mais, quand elle revenait, elle le chassait sans façon, quelquefois en montrant les dents ; et lui, qui reconnaissait